dimanche 30 mai 2010

"Et un rire inextinguible s’éleva parmi les Dieux heureux, quand ils virent Hèphaistos s’agiter dans la demeure." Homère (Iliade, chant I)

Les dieux rient car ils se moquent du dieu Héphaïstos qui est boiteux.



Pierre Paul Rubens, Héphaïstos forgeant la foudre de Zeus, musée du Prado

"Le rire est satanique, il est donc profondément humain." Baudelaire ("De l'essence du rire", publié la 1ère fois en juillet 1855 dans Le Portefeuille)


Nouveau thème pour 2011 : le rire

Thème n° 2 : Rire : pour quoi faire ?

Problématique
Rien ne semble plus spontané que le rire : on éclate de rire, on rit aux larmes, on en rit encore, on rit pour un rien. N'y a-t-il dans le rire rien de sérieux, rien de sensé, aucune intention ? (introduction)
« Rire, boire et chanter ! » : on rit pour se distraire, on détend ses muscles et ses zygomatiques. L'image du rieur est celle d'un bon vivant qui sait conjuguer les plaisirs du corps et ceux de l'esprit.
« Plus on est de fous, plus on rit ! » : on rit douze fois moins seul qu'en présence d'autres personnes, signe que le rire a une fonction sociale. On rit pour communiquer, pour échanger, on invente des blagues et des mots d'esprit dans une connivence joyeuse, on fait rire pour séduire. Dérider autrui est une façon d'humaniser les rapports inter-personnels.
« C'est vraiment pour rire ? » : du rire collectif au rire d'exclusion, il n'y a qu'un pas. Le rire est souvent un rire contre autrui. Un groupe trouve volontiers sa cohésion dans l'exclusion railleuse et aime à désigner un bouc émissaire qui essuiera ses plaisanteries.
« Ah, je ris de me voir si belle en ce miroir ! » : la comédie et les humoristes nous offrent un reflet de nous-mêmes, de nos petits travers, et nous aident à porter un autre regard sur nous-mêmes. Castigat ridendo mores, disent les anciens.
« Battez-moi plutôt, et me laissez rire tout mon soûl ! » (Molière, Le Bourgeois gentilhomme) : rire offre un refuge salutaire à l'individu qui un jour a besoin de mettre une barrière entre le monde et lui. Rire manifeste une force de subversion qui s'oppose à un pouvoir abusif qui veut tout contrôler.
Manifestation de sagesse individuelle et collective, rire ne permet-il pas en définitive de se construire ? Savoir rire de soi, accepter qu'on rie de soi, ne serait-ce pas autant de promesses d'une vie sociale apaisée ? (conclusion)

Analyse de cette "problématique" :
Remarquez le titre : "pour quoi faire?" signifie que le rire a une finalité, un but et un sens. On ne s'interroge pas sur les causes du rire mais sur son utilité.
Cette fois, il ne s'agit pas d'un faisceau de questions comme dans la précédente "problématique" (génération(s)).
Nous avons une introduction qui peut se résumer à une question problématique (contraires reliés par "ou") : le rire est-il un phénomène purement impulsif et naturel, aussi dénué d'intention qu'un réflexe, ou au contraire est-il un acte intelligent et social?
L'opposition porte essentiellement sur le caractère naturel ou social et sur le caractère incontrôlé ou intelligent.
Ensuite viennent cinq petits paragraphes. Chacun peut se résumer à une proposition.
Le premier énonce que le rire est en général lié à un état de plaisir et de relâchement, amusement, gaieté, etc.
Le deuxième dit que le rire sert à rapprocher les hommes.
Le troisième affirme que le rire peut être moqueur.
Le quatrième prétend que le rire sert à signaler et éventuellement corriger les défauts ou les vices.
Le dernier énonce que le rire peut servir de moyen de défense contre les atteintes et l'oppression.
La conclusion (dernier paragraphe) dit que le rire est bon pour l'individu et la société.
On voit donc que le rire a, selon ce texte, quatre utilités ou fins positives : il fait plaisir, il lie les hommes, il corrige les mœurs et il permet de résister.
La moquerie n'est pas en soi une fin positive du rire. Mais si on l'intègre dans la dénonciation des vices ou la résistance à l'oppression elle devient positive. En ce cas, il ne reste que quatre fonctions.