dimanche 25 août 2013

Cette part de rêve : plan de travail

Le rêve :

I) Etude lexicale :
Dégagez l'essentiel de l'article Rêve du TLF.

II) Le rêve du sommeil

1. Le rêve communication avec le divin :

La Bible :
Arrivé en Égypte, Joseph est revendu comme serviteur à Potiphar, officier du roi, Il fait prospérer les affaires de celui-ci et devient rapidement son intendant ; pendant plusieurs années il gère ses biens. Un jour, Joseph refuse les avances de la femme de Potiphar ; elle raconte alors à son époux qu’il a tenté de la séduire. Joseph est envoyé en prison.
Joseph partage sa cellule avec le maître-échanson et le maître-panetier de Pharaon. Un matin, ses deux compagnons se réveillent en ayant fait chacun un rêve. Joseph interprète leurs rêves. Il prédit au maître-échanson qu’il sera innocenté et qu'il retrouvera ses fonctions auprès du roi : il prédit au maître-panetier qu'il sera pendu et mangé par les oiseaux. Trois jours plus tard, ces prédictions se réalisent.
Le maître-échanson ne se souvient de Joseph que trois ans plus tard lorsque Pharaon fait un rêve interprété de différentes façons : Un mage dit que les sept épis et les vaches représentent sept provinces perdues et sept provinces gagnées. Un autre dit encore que sept princes seront tués par sept princes mariés à sept princesses qui tueront leurs sept maris puis seront tuées par leurs sept fils qui seront tués par sept princes. Le maître-échanson raconte alors au Pharaon comment Joseph a interprété son rêve et lui demande de le faire sortir de prison. Joseph dit alors au Pharaon que les sept beaux épis et vaches sont des années d'abondance et que les sept maigres épis et vaches sont des années de famine. Il lui demande ensuite de choisir un homme sage et juste pour veiller à ceci. Pharaon dit alors : C'est toi qui t'en occuperas. Je suis le Pharaon, mais nul en Égypte ne lèvera le pied sans ton consentement. Joseph défile alors en Égypte entouré des Grands du pays et est acclamé par la foule.
Des découvertes archéologiques prouvent que les Égyptiens de la Xe dynastie croyaient déjà qu'un rêve pouvait révéler l'avenir et avaient recours à des clés des songes. Le songe comme message divin existe également dans la mythologie grecque, à travers les rêves que Zeus envoie à Agamemnon ou les visions qu'accorde Apollon à Delphes, notamment à Oreste. Dans l'orphisme et l'école de Pythagore on enseigne que la communication avec le Ciel s'effectue uniquement pendant le sommeil, moment où l'âme s'éveille, doctrine identique qu'on retrouve chez les écrivains juifs et arabes du Moyen Âge. Ibn Khaldoun évoque la pratique ritualisée des rêves mantiques chez les musulmans. L'oniromancie babylonienne n'avait rien à apprendre de la Grèce. Le songe prophétique est bien connu chez les Sémites, ce dont témoigne l'Ancien Testament. On s'intéressait déjà aux rêves à Sumer vers -3000, et dans l'Égypte ancienne (-2500).


Grèce antique :
Dans la mythologie grecque, les songes ont leurs propres divinités, les Oneiroi, la plus connue est Morphée, dieu des rêves prophétiques. Aussi bien les philosophes que les médecins grecs se sont intéressés aux rêves et à leur sens. Ils y ont répondu de manière différente allant d'un événement sans conséquences (Aristote) à l'aide au diagnostic d'une maladie (Hippocrate) ou encore à un outil de divination.
  • Le médecin grec Hippocrate (460 av. J.-C.-370 av. J.-C.) est l'auteur du Traité d'hygiène d'Hippocrate ou l'Art de prévoir les maladies du corps humain par l'état du sommeil. Suivant l'état du soleil, de la lune ou des astres vus en rêve, Hippocrate disait savoir si le sujet était en bonne santé, ou au contraire malade. Les rêves avaient qualité de prodromes concernant l'état de santé d'une personne. Le traité étudie aussi les rapports entre les contenus oniriques et les diverses maladies. Ainsi, voir en rêve une mer agitée pronostique l'affection du ventre ; voir du rouge témoigne d'une surabondance de sang, etc.
  • Aristote (-384 à -322) traite les rêves dans son Petits Traités d’histoire naturelle (titre latin : Parva naturalia). Il les considère comme un phénomène somatique lié au vécu de la journée.
  • Artémidore de Daldis développe un système d'interprétation des rêves très élaboré au IIe siècle av. J.-C. dans l’Onirocriticon (Ỏνειροκριτικόν).
  • L'incubation, du latin incubatio (sommeil du temple en latin) qui signifie « dormir dans le sanctuaire », se pratiquait dans des grottes. Dans l'incubation thérapeutique, les malades se rendaient dans un temple dédié au dieu de la médecine et s'étendaient sur une peau d'animal, dans l'adyton, pour y dormir, après avoir reçu les instructions des prêtres leur recommandant d'être particulièrement attentifs à l'aspect qu'aurait le visage du dieu si celui-ci leur apparaissait en rêve.
  • Enéide, chant IV :
    « Quant à Énée, assuré désormais de partir, il sommeillait, en haut de sa poupe ; tout était prêt déjà, bien au point. Alors dans son sommeil il vit se présenter à lui l'image du dieu revenant sous les mêmes traits et l'avertissant de nouveau. En tous points semblable à Mercure, il avait sa voix, son teint, ses  cheveux blonds et son corps éclatant de jeunesse. « Fils de déesse, peux-tu dormir, en un moment comme celui-ci ? Ne vois-tu pas les périls qui t'entourent désormais, pauvre fou, n'entends-tu pas les souffles favorables des Zéphyrs ? Elle retourne en son cœur rusé un abominable sacrilège, résolue à mourir, ballottée en tous sens au gré des vagues de sa colère. Ne vas-tu pas fuir d'ici, en hâte, tant qu'il t'est possible de te précipiter ? Bientôt tu verras ses navires s'agiter sur la mer, tu verras luire des torches cruelles ; bientôt des flammes embraseront le rivage, si l'Aurore te trouve en train de t'attarder sur ces terres. Va-t-en donc ! Arrête de tergiverser ! La femme est chose qui toujours varie et change ! » Sur ce, il se mêla à la sombre nuit. »
Moyen-âge :
Pape en 590, Grégoire le Grand distingue trois grands types de rêves : ceux dus à la nourriture et à la faim, ceux envoyés par les démons et ceux d'origine divine. À sa suite, seuls les rêves d'origine divine seront tolérés. L'oniromancie devient en effet une pratique interdite
D'après Jacques Le Goff, le savoir sur le rêve commence à s'affirmer à partir du XIIe siècle, s'affranchissant de ses origines divine et satanique. C'est l'ouvrage Liber de spiritu et anima (L'Esprit et l'âme), rédigé par un moine cistercien au XIIe siècle, Alcher de Clairvaux, qui permet cette transition. Assez semblable aux conceptions de Macrobe, il existe, selon Alcher de Clairvaux, cinq types de rêves.
  • l' oraculum, rêve que Dieu envoie à ses émissaires
  • la visio, rêve prophétique clair
  • le somnium, rêve nécessitant une interprétation
  • l' insomnium, rêve commun et sans intérêt
  • le phantasma, apparitions fantomatiques, pendant les premières phases du sommeil, dont fait partie le cauchemar ou l' éphialtès.

2. Le rêve cryptogramme du désir : Freud

" Le rêve est un moyen de suppression d'excitations (psychi­ques) venant troubler le sommeil, cette suppression s'effectuant à l'aide de la satisfaction hallucinatoire. " Freud, Introduction à la psychanalyse, IIe partie, 1916.
Il existe selon Freud deux sortes de rêve : le rêve clair et le rêve déformé. Le premier manifeste un désir qui n'est pas censuré, le deuxième traduit un désir refoulé.

3. Le rêve selon les neurosciences :

Les caractéristiques neuropsychologiques du rêve varient continûment du sommeil lent au sommeil paradoxal: le rêve s'apparentant à la pensée à l'état de veille lors du sommeil profond, puis devenant de plus en plus comparable à un état hallucinatoire sensori-moteur lors du sommeil paradoxal.
En 1953, Aserinsky émit l'hypothèse que les périodes de mouvements oculaires rapides survenant pendant le sommeil et enregistrés grâce à un électro-oculogramme correspondaient aux périodes des rêves. Cette activité oculaire fut nommée « PMO » (pour « phase de mouvements oculaires ») ou « REM » (« rapid eye movements ») par opposition aux mouvements oculaires lents et ondulants observés pendant la phase d'endormissement. W. Dement constata que 80 % des dormeurs réveillés pendant les phases REM se rappelaient leurs rêves, contre 7 % seulement pendant les périodes de sommeil profond. Le rêve survenait par périodes de 20 à 25 min, séparées par des intervalles de 90 minutes, et il était caractérisé par une activité corticale similaire à celle de l'endormissement et des mouvements oculaires rapides. Ces travaux furent confirmés par Michel Jouvet chez le chat. Il découvrit en outre que pendant les phases REM existait une disparition du tonus musculaire axial, associée à une activité cérébrale intense, proche de l'éveil les yeux ouverts, et de l'endormissement les yeux fermés (soit une durée de 6 min toutes les 25 min chez le chat). C'est ce qui le conduisit à introduire la notion de sommeil paradoxal, faisant ainsi du rêve le troisième état physiologique du cerveau. Ces critères d'atonie, d'activité cérébrale, et des mouvements oculaires se retrouvèrent également chez l'homme.

Problème que pose le rêve du sommeil : il suscite des croyances sans fondement scientifique.


III) Le rêve éveillé :

1. Définition :
Représentation d'un objet imaginaire et en général de la satisfaction imaginaire d'un désir. Il faut ajouter sans doute que le désir doit être impossible à satisfaire dans l'immédiat. On ne dira pas qu'on rêve de jouer aux cartes ou de boire un café si c'est aussitôt réalisable. Ou alors ce sera une expression hyperbolique, car le rêve est un désir orienté vers une satisfaction d'une grande valeur.

2. Finalités :
a) Se donner du plaisir.
b) Orienter son action pour se modifier soi-même ou modifier son environnement. (Il faut distinguer le rêve qui inspire l'action de la rêverie qui s'accompagne en général de solitude et d'inaction.)
c) Élaborer le sujet d'une œuvre artistique.
d) Élaborer l'objet d'une croyance religieuse. (Le paradis est-il rêve ou réalité ? Cela dépend des points de vue.)
Pour Freud, le rêve éveillé est, comme le jeu d'enfant, la satisfaction d'un désir soit sexuel soit d'ambition dont la source se trouve dans l'enfance. La différence c'est que le jeu d'enfant s'appuie sur des objets réels (jouets, bouts de bois, etc.) et qu'il ne se cache pas. Le rêve éveillé ou fantasme, au contraire, se dissimule en général (à cause de la honte sociale) et ne donne pas lieu à une mise en scène extérieure. Tout se joue dans l'esprit du rêveur éveillé. Freud développe très clairement sa théorie du rêve éveillé, expression d'un désir égoïste ou sexuel comme le rêve du sommeil, dans un bref texte que vous trouverez ici.


Êcueils :

1. Orienter son action selon le rêve de l'impossible (Don Quichotte, Nerval).
2. Se désintéresser de son environnement au point d'exposer sa vie à des dégradations (précarité et solitude). Oblomov. "La laitière et le pot au lait". La Recherche de l'absolu. Le rêve comme opium (du peuple ou de l'individu). "La Chambre double" de Baudelaire. Karl Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel.
3. Entraîner les hommes dans un rêve collectif qui induit en erreur (le rêve religieux a dans une certaine mesure freiné la recherche de la vérité).
4. Réaliser son rêve et se rendre compte qu'il ne donne pas le bonheur (La révolution russe).
5. Rêver à la place d'autrui (le père qui rêve que son fils soit avocat et qui gâche la vie de son fils).
6. Réaliser pour tous le rêve d'un seul ou de certains (le rêve d'une Europe allemande, nazie et débarrassée des Juifs). La République.
En somme le rêve peut être illusion aliénante ou levain du progrès.

Le problème est d'éviter ces écueils. Quelles sont les solutions?

Sujets d'écriture personnelle :
Est-il souhaitable de vivre sans rêves ?
Faut-il rêver avec modération ? 
Le rêve du sommeil a-t-il une influence sur la vie des hommes ?
Qu'entend-on par "se couper de la réalité" ?
Faut-il opposer rêve et réalité ?
Nos rêves sont-ils toujours ceux d'autrui ?
Pensez-vous que le rêve témoigne du désir de l'homme de donner un sens ?
Dites si vous partagez ou non l'opinion de Baudelaire qui écrit dans Le Spleen de Paris : "Relativement au rêve pur, à l'impression non analysée, l'art défini, l'art positif est un blasphème."
Pensez-vous, comme Margaret Mead, que le rêve des uns peut être le cauchemar des autres ?
Les rêves sont-ils trompeurs ?
Nos rêves portent-ils l'empreinte de notre famille, de notre milieu, de la société tout entière ? 

Exposés :
L'histoire de Joseph
La cité idéale d'après La République (III-IV-V)
Utopia de Thomas More
"La laitière et le pot au lait"
Don Quichotte
1984 
La tour de Babel
Christophe Colomb
L'homme qui vole (D'Icare aux frères Wright)
"Le Rêve d'un homme ridicule" de Dostoievski
Madame Bovary
Martin Luther King
Gandhi
Freud
Le rêve de la Résistance
Aurélia
Les Rêveries du promeneur solitaire
Le marketing du rêve
Le rêve féministe
Le rêve de la vie extra-terrestre
Le rêve (réalisé) d'Auroville

Pour les exposés, adopter le plan suivant :
1. Quel est le rêve en question ?
2. D'où vient-il ? (les causes)
3. S'est-il réalisé ? (les conséquences)
4. Quels effets a-t-il produits sur le rêveur et la société ? (les conséquences)

Cette part de rêve que chacun porte en soi

Thème n° 2 - Cette part de rêve que chacun porte en soi  
Problématique : 
Le rêve se définit spontanément par opposition à la réalité. Il est généralement tenu pour une parenthèse de la conscience, une phase particulière du sommeil. Mais il renvoie aussi à la représentation idéale de ce que chacun désire et voudrait peut-être réaliser. La part de rêve que chacun porte en soi semble pouvoir libérer de réalités douloureuses, monotones ou ennuyeuses et aider ainsi à orienter autrement sa vie, à la redessiner dans un ailleurs et un futur plus ou moins proches. Le rêve stimule l'individu qui ne se satisfait pas de ce qu'il est et de ce qu'il a. Il élargit les possibles.  Multiples sont les éveilleurs de rêves (lieux, objets, personnes, sensations, etc.). Les œuvres d'imagination sont aussi propices à la rêverie, elles permettent de se transporter dans d'autres espaces, d'autres époques, d'autres personnages. Cependant, le rêve risque de couper du réel et d'amener à ne vivre que de chimères ou de fantasmes qui empêchent d'agir dans le monde et de mener sa vie. En ce sens, il est parfois dénigré comme perte de temps, fuite des responsabilités. Quelle part de rêve préserver dans un monde soumis à l'efficacité et à la rentabilité immédiates ?  C'est tout autant l'être que l'avoir qui sont concernés par le rêve : rêves d'objets de consommation, rêves de luxe, rêves de ce que les nouvelles technologies autorisent, rêves d'une identité autre, plus belle, plus forte, plus grande. Ces aspirations induisent un idéal porté par le rêve, facteur d'élévation et de sublimation de chacun, force de création et d'innovation. Cet idéal n'est cependant pas le même pour tous. Tel individu ne pourra-t-il pas trouver médiocre ce que tel autre pense être à sa mesure ?  Quelle est la part intime et vraiment personnelle de ce rêve qui nous porte ? Partagé par un groupe ou par l'ensemble d'une société, le rêve peut devenir utopie et donner à chacun comme à tous des raisons de vivre et d'espérer. Mais l'optimisme utopique ne risque-t-il pas de porter atteinte à la part de rêve et de liberté que chacun porte au plus profond de soi ?

En bref : 

Comme d'habitude la problématique présente des jugements contradictoires sur le thème : positif, négatif. Ici, il y a deux points de tension

1) Le rêve enrichit le réel mais il risque de nous en couper. 

2) L'utopie (rêve collectif) donne de l'espoir mais elle risque de porter atteinte à la liberté individuelle.

Il y a donc deux dangers soulevés par cette problématique : le danger de la déréalisation (vision erronée de la réalité) et le danger de l'oppression.