vendredi 9 septembre 2016

l'extraordinaire : sujet de culture générale n°3



1) Vous ferez une synthèse objective, concise et ordonnée des documents suivants :

Document 1 :

Qui n'a jamais douté du hasard lorsqu'un événement extraordinaire se produit ? A défaut d'explications, certains attribuent ces phénomènes à la chance, au destin ou à une volonté supérieure.
Ces réactions découlent toutefois de plusieurs principes psychologiques qui peuvent être facilement mis en évidence.

Conception erronée du hasard :
On demande à quelqu'un de tirer dix fois aux dés. Selon vous, quelle est la suite la plus probable:


Évidemment, la grande majorité des personnes choisiraient le premier cas de figure. Pourtant, ces deux résultats ont exactement la même probabilité de se réaliser.
La difficulté que nous éprouvons à assimiler cette affirmation est due à notre vision faussée du hasard. En effet, les événements aléatoires devraient selon nous être dispersés de manière égale.
Par exemple, la probabilité de tirer à pile ou face est de 50% dans les deux cas. Notre logique voudrait donc que les valeurs finales soient non-seulement équivalentes à ce ratio, c'est-à-dire moitié pile et moitié face, mais en plus alternées entre elles sans paraître trop ordonnées.

Ce rapport est toutefois valable uniquement sur un très grand nombre de tirages, ce qui n'est pas le cas des événements de notre quotidien. Une série de faits peut donc nous paraître exceptionnelle alors qu'il s'agit en réalité d'un déroulement parfaitement ordinaire.

"Les coïncidences sont-elles dues au hasard ?",  intra-science.com

Document 2 :

UNE COMMUNICATION ?

MADELEINE QUI VEILLAIT

J'ai dîné chez mon ami peintre Jean Villeri. Il est plus de onze heures. Le métro me ramène à mon domicile. Je change de rame à la station Trocadéro. Alourdi par une fatigue agréable, j'écoute distraitement résonner mon pas dans le couloir des correspondances. Soudain une jeune femme, qui vient en sens inverse, m'aborde après m'avoir, je crois, longuement dévisagé. Elle m'adresse une demande pour le moins inattendue : « Vous n'auriez pas une feuille de papier à lettres, Monsieur ? » Sur ma réponse négative et sans doute devant mon air amusé, elle ajoute : « Cela vous paraît drôle ? » Je réponds non, certes, ce propos ou un autre... Elle prononce avec une nuance de regret : « Pourtant ! » Sa maigreur, sa pâleur et l'éclat de ses yeux sont extrêmes. Elle marche avec cette aisance des mauvais métiers qui est aussi la mienne. Je cherche en vain à cette silhouette fâcheuse quelque beauté. Il est certain que l'ovale du visage, le front, le regard surtout doivent retenir l'attention, troubler. Mais de là à s'enquérir ! Je ne songe qu'à fausser compagnie. Je suis arrivé devant la rame de Saint-Cloud et je monte rapidement. Elle s'élance derrière moi. Je fais quelques pas dans le wagon pour m'éloigner et rompre. Sans résultat. A Michel-Ange-Molitor je m'empresse de descendre. Mais le léger pas me poursuit et me rattrape. Le timbre de la voix s'est modifié. Un ton de prière sans humilité. En quelques mots paisibles je précise que les choses doivent en rester là. Elle dit alors : « Vous ne comprenez pas, oh non ! Ce n'est pas ce que vous croyez. » L'air de la nuit que nous atteignons donne de la grâce à son effronterie : « Me voyez-vous dans les couloirs déserts d'une station, que les gens sont pressés de quitter, proposer la galante aventure ? - Où habitez-vous ? - Très loin d'ici. Vous ne connaissez pas. » Le souvenir de la quête des énigmes, au temps de ma découverte de la vie et de la poésie, me revient à l'esprit. Je le chasse, agacé. « Je ne suis pas tenté par l'impossible comme autrefois (je mens). J'ai trop vu souffrir... (quelle indécence!) » Et sa réponse : « Croire à nouveau ne fait pas qu'il y aura davantage de souffrance. Restez accueillant. Vous ne vous verrez pas mourir. » Elle sourit : « Comme la nuit est humide ! » Je la sens ainsi. La rue Boileau, d'habitude provinciale et rassurante, est blanche de gelée, mais je cherche en vain la trace des étoiles dans le ciel. J'observe de biais la jeune femme : « Comment vous appelez-vous, mon petit ? - Madeleine. » A vrai dire, son nom ne m'a pas surpris. J'ai terminé dans l'après-midi Madeleine à la veilleuse, inspiré par le tableau de Georges de la Tour dont l'interrogation est si actuelle. Ce poème m'a coûté. Comment ne pas entrevoir, dans cette passante opiniâtre, sa vérification ? A deux reprises déjà, pour d'autres particulièrement coûteux poèmes, la même aventure m'advint. Je n'ai nulle difficulté à m'en convaincre. L'accès d'une couche profonde d'émotion et de vision est propice au surgissement du grand réel. On ne l'atteint pas sans quelque remerciement de l'oracle. Je ne pense pas qu'il soit absurde de l'affirmer. Je ne suis pas le seul à qui ces rares preuves sont parfois foncièrement accordées. « Madeleine, vous avez été très bonne et très patiente. Allons ensemble, encore, voulez-vous ? » Nous marchons dans une intelligence d'ombres parfaite. J'ai pris le bras de la jeune femme et j'éprouve ces similitudes que la sensation de la maigreur éveille. Elles disparaissent presque aussitôt, ne laissant place qu'à l'intense solitude et à la complète faveur à la fois, que je ressentis quand j'eus mis le point final à l'écriture de mon poème. Il est minuit et demi. Avenue de Versailles, la lumière du métro Javel, pâle, monte de terre. « Je vous dis adieu, ici » J'hésite, mais le frêle corps se libère. « Embrassez-moi, que je parte heureuse... » Je prends sa tête dans mes mains et la baise aux yeux et sur les cheveux. Madeleine s'en va, s'efface au bas des marches de l'escalier du métro dont les portes de fer vont être bientôt tirées et sont déjà prêtes.
Je jure que tout ceci est vrai et m'est arrivé, n'étant pas sans amour, comme j'en fais le récit, cette nuit de janvier.
La réalité noble ne se dérobe pas à qui la rencontre pour l'estimer et non pour l'insulter ou la faire prisonnière. Là est l'unique condition que nous ne sommes pas toujours assez purs pour remplir.
1948

René Char, Recherche de la base et du sommet, Gallimard, 1955.

Document 3 :

Le hasard ! Ce mot répond-il à une idée qui ait sa consistance propre, son objet hors de nous, et ses conséquences qu’il ne dépend pas de nous d’éluder, ou n’est-ce qu’un vain son, flatus vocis, qui nous servirait, comme l’a dit Laplace, à déguiser l’ignorance où nous serions des véritables causes ? À cet égard notre profession de foi est faite depuis longtemps, et déjà nous l’avons rappelée incidemment dans le cours des présentes études. Non, le mot de hasard n’est pas sans relation avec la réalité extérieure ; il exprime une idée qui a sa manifestation dans des phénomènes observables et une efficacité dont il est tenu compte dans le gouvernement du Monde ; une idée fondée en raison, même pour des intelligences fort supérieures à l’intelligence humaine et qui pénétraient dans une multitude de causes que nous ignorons. Cette idée est celle de l’indépendance et de la rencontre accidentelle de diverses chaînes ou séries de causes : soit que l’on puisse trouver, en remontant plus haut, l’anneau commun où elles se rattachent et à partir duquel elles se séparent ; soit qu’on suppose (car ce ne peut être qu’une hypothèse) qu’elles conserveraient leur mutuelle indépendance, si haut que l’on remontât. Une tuile tombe d’un toit, soit que je passe ou que je ne passe pas dans la rue ; il n’y a nulle connexion, nulle solidarité, nulle dépendance entre les causes qui amènent la chute de la tuile et celles qui m’ont fait sortir de chez moi pour porter une lettre à la poste. La tuile me tombe sur la tête et voilà le vieux logicien mis définitivement hors de service : c’est une rencontre fortuite ou qui a lieu par hasard. La proposition a un sens également vrai pour qui connaît et pour qui ne connaît pas les causes, qui ont fait tomber la tuile et celles qui m’ont fait sortir de chez moi. Les faits qui arrivent par hasard ou par combinaison fortuite, bien loin de déroger à l’idée de causalité, bien loin d’être des effets sans cause, exigent pour leur production le concours de plusieurs causes ou séries de causes. Le caractère de fortuité ne tient qu’au caractère d’indépendance des causes concourantes. Si la combinaison fortuite offre quelque singularité, cette singularité même a une cause, mais elle n’a pas de raison, et voilà pourquoi elle nous frappe, nous dont l’esprit est dès l’enfance habitué à chercher toujours et à trouver quelquefois la raison des choses. À un tirage d’obligations je gagne la prime de cent mille francs et je la gagne par hasard : car on s’était arrangé pour qu’il n’y eût nulle liaison entre les causes qui ont influé sur le placement des numéros et celles qui ont amené l’extraction du numéro gagnant. Cependant, comme il faut bien que quelqu’un gagne la prime, la combinaison fortuite qui me l’attribue, toujours fort remarquable pour moi, ne sera remarquée du public que si je suis, par un autre hasard, un pauvre diable ou un millionnaire, un savetier ou un financier. 

A. A. Cournot, Matérialisme, vitalisme, rationalisme, 1875. (source : http://archipope.over-blog.com/article-12023717.html)

Document 4 :

Dans la multitude de faits vécus ou d'informations perçues, il se produit naturellement des coïncidences de temps en temps, c'est-à-dire des rencontres fortuites ou des événements simultanés présentant une ressemblance. De telles coïncidences sont en général d'une grande banalité et explicables par le calcul des probabilités.
Ainsi, vous rencontrez des voisins ou des amis pendant vos vacances ou vous remarquez en parlant à un inconnu que vous avez un ami commun. Autres exemples : vous pensez à votre cousine Céline qui vous téléphone tous les mois environ, et elle vous appelle à ce moment-là ; vous prononcez un mot et vous l'entendez au même moment à la télévision.
La loi des séries :
La loi des séries ou sérialité a été étudiée par le biologiste Kammerer. Elle peut être définie comme la répétition d'événements, choses, ou symboles identiques ou analogues dans le temps et/ou dans l'espace, par exemple :
- l'annonce le même jour de plusieurs accidents de même nature ;
- une suite d'événements vécus par une personne, soit heureux (période de chance), soit défavorables (série noire) ;
- la répétition de faits inopinés semblables. Ainsi, vous êtes invité à dîner et la  maîtresse de maison vous sert du bœuf miroton. Or, l'avant-veille, vous aviez déjà mangé ce plat chez vous et la veille chez des parents.
- au loto, la sortie d'un même numéro plusieurs tirages de suite (sérialité dans le temps) ou de plusieurs numéros voisins au même tirage (sérialité dans l'espace).
Les coïncidences et la sérialité font partie de notre jardin secret. Pour nous-mêmes, elles paraissent avoir une grande importance, mais il n'est pas toujours facile d'en faire partager l'intérêt par les autres. Cette observation est valable également pour la synchronicité.
Les coïncidences signifiantes ou synchronicités :
Il nous arrive parfois de rencontrer une coïncidence présentant un caractère mystérieux, nous laissant un sentiment troublant et indéfinissable. Il s'agit d'une sorte de «clin d’œil» du destin que Jung a appelé synchronicité. On dit alors que la coïncidence est chargée de sens, qu'elle est signifiante. Celle-ci se caractérise également par le fait que le psychisme de la personne est plus impliquée que dans le cas d'une simple coïncidence, et, qu'en outre, la probabilité de sa survenue est plus faible. Nous nous sentons alors prendre une certaine importance dans l'immense univers habituellement indifférent à notre modeste personnage.
Jung définit comme suit la synchronicité : coïncidence temporelle sans lien causal entre un état psychique donné et un ou plusieurs événements extérieurs objectifs offrant un parallélisme de sens avec cet état subjectif du moment, l'inverse pouvant aussi se produire.
Un exemple :
Je demeure à Nice depuis quelques mois et, en ce moment, je souffre d'un torticolis très douloureux. Voilà longtemps que je n'ai pas eu une telle crise, la dernière remontant à l'époque où j'habitais Paris.
Ce matin, je me souviens de mon docteur parisien qui m'avait soigné pour une arthrose cervicale. Je vais faire quelques achats avenue Jean Médecin et, soudain, je tombe nez à nez avec ce praticien qui se trouve à Nice à l'occasion d'un congrès.
Non seulement, je pense à mon médecin  parisien et je le rencontre une heure après à Nice, mais cela se passe avenue Jean Médecin.

Jean Moisset, "Mystère des coïncidences", science-et-magie.com

2) Écriture personnelle :

L'imprévisible est-il extraordinaire ?