1) Vous ferez une synthèse objective, concise et ordonnée des documents
suivants :
Document 1 :
[A la fin des années 1850, Camille,
vingt ans, subit un examen médical qui confirme ce qu'elle sait déjà, elle
n'appartient pas au sexe féminin.]
Je ne m’étais pas attendu
néanmoins à une investigation aussi sérieuse de sa part.
Il me déplaisait de le voir
s’initier de lui-même à mes plus chers secrets, et je répondis en termes peu
mesurés à quelques-unes de ses paroles qui me semblaient une violation.
« Ici, me dit-il alors, vous ne
devez pas seulement voir en moi un médecin, mais un confesseur. Si j’ai besoin
de voir, j’ai aussi besoin de tout savoir. Le moment est grave pour vous, plus
que vous ne le pensez peut-être. Je dois
pouvoir répondre de vous en toute sécurité, à Monseigneur d’abord, et sans
doute aussi devant la loi, qui en appellera à mon témoignage. » Je me dispense
d’entrer ici dans le détail minutieux de cet examen, après lequel la science
s’inclina convaincue.
Il lui restait maintenant à faire
réparer une erreur commise en dehors de toutes les règles ordinaires. Pour la
réparer, il fallait provoquer un jugement en rectification de mon état civil.
« Franchement, me dit le bon
docteur, votre marraine a eu la main heureuse en vous appelant Camille.
Donnez-moi la main, mademoiselle; avant peu, je l’espère, nous vous appellerons
autrement. (...)
Par instants je me demandais si
je n’étais pas le jouet d’un rêve impossible. Ce résultat inévitable que
j’avais prévu, désiré même, m’effrayait maintenant comme une énormité
révoltante. En définitive, je l’avais provoqué, je le devais sans doute ; mais
qui sait ? Peut-être avais-je eu tort. Ce brusque changement qui allait me
mettre en évidence d’une façon si inattendue ne blessait-il pas toutes les convenances
?... Le monde, si sévère, si aveugle dans ses jugements, me tiendrait-il compte
d’un mouvement qui pouvait passer pour de la loyauté, et ne s’attacherait-il
pas plutôt à le dénaturer, à m’en faire un crime ?
[Peu après, elle doit quitter la pension où elle était institutrice et
se séparer de sa jeune collègue de dix-huit ans avec laquelle elle entretenait
un amour secret.]
J’avais pressé une dernière fois
dans mes bras celle que j’appelais ma sœur et que j’aimais avec toute l’ardeur
d’une passion de vingt ans. Mes lèvres avaient effleuré les siennes. Nous nous étions
tout dit. Je partais cette fois emportant dans mon âme tout le bonheur dont j’avais joui
pendant ces années, le premier, l’unique amour de ma vie. La voiture, en
s’éloignant, m’avait dérobé la vue de ma bien-aimée. Tout était fini.
Je crois avoir tout dit
concernant cette phase de mon existence de jeune fille. Ce sont les beaux jours
d’une vie vouée désormais à l’abandon, au froid isolement. Ô mon Dieu ! quel
sort fut le mien ! Mais vous l’avez voulu, sans doute, et je me tais. De retour
à B..., il fallut s’occuper des démarches relatives à mon apparition dans le
monde civil comme sujet du sexe masculin.
Herculine Barbin, Mes Souvenirs, Editions du Boucher
Document
2 :
Le paradoxe, si l’on observe les protocoles en vigueur
chez certaines équipes « officielles », c’est que pour obtenir la gratuité
des traitements hormonaux et chirurgicaux en France, il faut être reconnue
victime de « troubles de l’identité de genre » mais ne pas avoir de pathologie
« associée », c’est-à-dire de « maladie » autre que le « transsexualisme*
» ! On définit ainsi un trouble par… une absence de trouble. Pour être reconnue
comme malade (de « transsexualisme »), il faut ne pas être malade. Cette
contradiction souligne les limites théoriques des équipes psychiatriques dites
« officielles ». D’un côté, on a des Trans qui souffrent de l’exclusion
sociale. De l’autre, on a un remède simple : la transition. En leur refusant cette
transition sous prétexte qu’elles sont tombées malades (à force d’exclusion),
ceux que l’on paie pour soigner refusent d’aider celles qui en ont besoin et
tentent d’imposer un suivi psychiatrique sous contrainte à celles qui n’en
veulent pas. En voulant à tout prix soigner une maladie imaginaire (la
trans-identité), ils négligent les troubles induits par les discriminations. On
l’a vu, ce n’est pas parce que certaines Trans ont des troubles mentaux
(insistons : c’est en général le produit de la maltraitance) que la trans-identité
en soi est un trouble.
Loin d’être un trouble, une malédiction, ou un fardeau à
porter, la trans-identité peut être une chance inouïe. Peu de gens peuvent
remettre en question leur vie de façon aussi radicale. Être Trans offre
d’incroyables opportunités, à condition de savoir les saisir. Le fait d’avoir
connu les deux rôles, les deux cultures (le « club hommes* » et le «
club femmes* ») permet une reconstruction de l’identité hors du schéma
binaire traditionnel. Une personne transgenre peut s’approprier ce qu’elle estime
positif dans chacun des deux rôles et les « mixer » comme elle l’entend. Elle
peut prendre du recul par rapport aux rails tous tracés de la socialisation
masculine ou féminine et ainsi devenir plus consciente et plus libre. La
conscience accrue des deux rôles (celui qu’on a appris dans l’enfance et celui
qu’on apprend plus tard) permet de s’en détacher en partie, surtout dans ce qu’ils
ont d’artificiel et de futile. Cette distance critique, relevée par un brin
d’humour, évite par ailleurs de trop se prendre au sérieux. Être plus libre,
c’est aussi refuser de devenir une caricature de femme (ne rêvant que de
popote, de maquillage, de fringues sexy et « naturellement » soumise au mâle).
Document 3 :
Le changement de sexe fait appel
à des équipes médicales spécialisées dans le transsexualisme qui regroupent des
psychiatres, des endocrinologues et des chirurgiens. En France, une prise en
charge psychiatrique est dans un premier temps obligatoire pour une durée
minimum de deux ans. Dans ce cadre, le rôle du psychiatre n'est pas de soigner,
mais bien d'affirmer ou d'infirmer le diagnostic de transsexualisme. C'est
l'occasion pour le demandeur de faire le point sur son parcours, sur sa
motivation, en recherchant l'origine, le sens et la finalité de son désir.
Si, à l'issue de cette période,
le psychiatre confirme de diagnostic de transsexualisme, il sera possible pour
le transsexuel d'accéder à une prise en charge thérapeutique hormonale et
chirurgicale afin de modifier certains de ses caractères sexuels.
Il utilise des hormones ou des
anti-hormones dans le but de modifier les caractéristiques sexuelles du sexe
biologique et de faire apparaître celles du sexe revendiqué par le sujet.
·
Chez les transsexuels MF (homme => Femme), le traitement se fait
en deux temps. D'abord des anti-hormones males (anti-androgènes) qui ont pour
effet de diminuer la libido et les érections, puis un traitement par des
oestrogènes qui va entraîner l'apparition de caractères morphologiques féminins
(seins, voix, répartition des graisses…).
·
Pour les transsexuels FM (femme => homme), une prise d'androgènes
(testostérone) est nécessaire afin de développer les caractères sexuels
masculins : augmentation de la masse musculaire et de la pilosité, raucité
de la voix. Le résultat est sans nul doute beaucoup plus spectaculaire dans ce
sens.
Ces hormones doivent être prises
durant toute la vie pour maintenir les caractères obtenus.
Il s'agit d'interventions
définitives dont les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes
tant sur le plan esthétique que sur le plan fonctionnel. Pour une féminisation
de l'apparence, on procède en général à une chirurgie des seins, à une ablation
des testicules et à la fabrication d'un vagin et d'une vulve. D'autres
opérations à caractère non génital sont souvent demandées : chirurgie
faciale, chirurgie d'adaptation vocale, remodelage corporel.
Pour une masculinisation, une
chirurgie des seins est réalisée, une ablation de l'utérus et des ovaires,
ainsi que la fabrication d'un phallus et d'un scrotum.
Contrairement à d'autres pays
européens, il n'existe pas en France de loi qui permette facilement à une
personne opérée qui vit dans le rôle et l'habitus du sexe opposé de changer
d'état civil. Il faut donc passer par une demande circonstanciée auprès du
Tribunal aux Affaires Familiales pour "changement de prénom dans l'intérêt
légitime". Le changement de prénom est obtenu dans deux hypothèses :
soit le transsexuel a obtenu une modification de la mention concernant le sexe
et le changement se fait automatiquement, soit la reconnaissance juridique du
transsexualisme a été refusée et le transsexuel, débouté, à titre de
compensation, a été autorisé à changer de prénoms. La durée de la procédure est
de 3 à 6 mois.
Le changement d'état civil est un
parcours long et difficile, aujourd'hui encore même si l'on peut noter de
nombreuses évolutions. Cependant, un projet de loi en faveur des transsexuels
n'est pas encore envisagé en France. Les juristes se demandent s'il est
légitime de légiférer sur ce sujet.
Séverine Braam, "Le
transsexualisme en question", doctissimo.fr
Document 4 :
à gauche, juste après le traitement hormonal et la chirurgie supérieure, à droite, deux ans après
Jamie Raines,
"My Gender
Transition From Female To Male", Buzzfeedvideo,
You tube
2) Ecriture
personnelle :
Dans quelle mesure le sexe d'un individu est-il
naturel ou artificiel ?
ou
Le corps naturel suffit-il à déterminer l'identité
sexuelle ?