vendredi 6 juin 2014

Ces objets qui nous envahissent : objets cultes, culte des objets (plan de travail)

1) Lire la problématique et définir précisément la notion d'objet :
En quel sens faut-il prendre ce mot aux acceptions différentes ? Il vient du latin objectum, supin de objicere, "objecter", proprement "jeter en avant", de ob, et jacere, jeter (dictionnaire Littré). Le TLF donne cette étymologie : Emprunté au latin scolastique objectum proprement «ce qui est placé devant».
L'objet est donc d'abord ce qui s'oppose au sujet, le mot est employé pour désigner ce qui "touche les sens", ce sur quoi porte une science, ce qui est la cause d'un sentiment (selon le Dictionnaire de l'Académie française de 1694).
On remarque que le sens de la problématique (" Chose solide, maniable, généralement fabriquée, une et indépendante, ayant une identité propre, qui relève de la perception extérieure, appartient à l'expérience courante et répond à une certaine destination" TLF) est plus tardif que les autres sens. 
Il faut d'après la problématique se limiter à ce sens de chose fabriquée (ou assimilée, tel un galet servant de presse-papier). Le mot maniable indique une chose que l'on peut prendre en main ou déplacer. En ce sens, on peut dire d'une voiture qu'elle est un objet mais pas d'une maison. 
2) Les questions posées :
La question la plus générale est donnée au début :
Quels rapports entretenons-nous avec les objets ?
Cette question se divise en plusieurs questions particulières :
a) La question de l'encombrement : que faire des objets inutiles et désuets, des objets cassés ? Le développement du numérique nous libère-t-il de cette invasion ?
b) La question de la fonction des objets :  À quelles fonctions les objets sont-ils assignables ?
c) La question de leur valeur :  que disent les objets de ceux qui les possèdent ? Pourquoi les posséder ? Parce qu'ils ont une valeur. Il s'agit aussi bien de valeur d'usage, que de valeur sociale, esthétique, ou affective.
En fait les deux dernières questions b et c se confondent. Un objet sans fonction n'a pas de valeur et réciproquement. Le texte programmatique donne trois sous-titres mais en réalité on peut les réduire à deux problèmes.
a) La production et la destruction d'objets de plus en plus nombreux présentent-elles des risques ? On a là un problème physique, économique et écologique.
b) Dans quelle mesure la consommation et la possession d'objets sont-elles nécessaires et justifiées ou au contraire aliénantes ? On a là un problème moral : faut-il faire preuve de modération dans la consommation et la possession ? Risque-t-on de devenir l'esclave des objets ?
3) Axes de recherche et réflexion (à poursuivre) :
L'objet n'est pas nécessairement fabriqué. Mais il a une fonction donnée par l'homme comme, par exemple, le galet presse-papier. Nous réfléchirons à la différence entre objet et chose naturelle.
L'objet est le dépositaire d'un savoir et d'un usage. L'usage est en partie ce que l'on trouve dans le mode d'emploi. Le savoir est plus vaste, pour une épée du moyen-âge, par exemple, c'est non seulement l'escrime mais le code de la chevalerie. En ce sens, les objets nous proposent des usages. On pourrait dire qu'ils nous appellent. Le tournevis nous propose de visser, le cendrier, d'éteindre notre cigarette. Le tournevis peut nous révéler notre don ou notre goût du bricolage. De même, l'épée peut actualiser notre potentialité de devenir chevalier, le violon, de devenir violoniste. En ce sens, les objets exercent sur nous une action qui forme notre action ou même notre vie et notre personne. Si Claude Rawlings, le héros de Corps et âme, n'avait pas découvert dans son enfance un minuscule piano-console désaccordé, il ne serait peut-être pas devenu un grand pianiste. 
Un objet n'est jamais isolé. Il appartient à un monde culturel. Une paire de baguettes, par exemple, trouve son sens dans la culture chinoise. En ce sens, on peut dire que l'objet est la matérialisation d'un concept, le concept de saisie des aliments pour les baguettes. L'objet implique toute une culture où il a sa place. Il est pris dans un ensemble d'objets qui forment deux axes, l'axe paradigmatique et l'axe syntagmatique. En ce sens, il en va des objets comme des mots. La fourchette appelle le couteau et tous les autres objets utilisés pour le couvert. C'est l'axe syntagmatique. La fourchette peut être remplacée par les baguettes ou se substituer à elles. C'est l'axe paradigmatique. Ces deux axes forment la syntaxe et le lexique des objets propres à une société. La comparaison entre objets et langage a inspiré aussi bien Veblen que Baudrillard. On peut considérer les objets comme des mots ou des éléments signifiants appartenant à un système. Ils ont un sens qui est leur fonction mais aussi leur valeur sociale ou affective ou esthétique. Le sens d'un tournevis est la possibilité de visser mais si, par exemple, il dépasse d'une poche arrière il dénote l'ouvrier comme le crayon sur l'oreille pouvait autrefois dénoter l'épicier. Si le tournevis est placé sur un socle dans une galerie ou un musée, il va alors dénoter l'art et prendre une valeur esthétique. C'est exactement le travail d'un artiste comme Claes Oldenburg avec, par exemple, la pince à linge géante qui trône au milieu de la Center square Plaza, à Philadelphie. Baudrillard, lui, a insisté sur la valeur sociale des objets. Il a repris en fait l'idée de distinction lancée par Veblen et utilisée par Bourdieu, pour faire de l'objet un signe de distinction et d'appartenance sociale dans notre société de consommation et d'ostentation. Il faudra se demander quelle différence marquer entre consommer, utiliser, jouir et posséder, se demander si ces relations à l'objet sont compatibles ou non et dans quels cas. Pour Baudrillard, on le sait, lorsque nous consommons des objets nous communiquons. Les objets sont donc des signes mais il faut tout de même noter qu'à la différence des signes du langage ils n'ont pas de référent. Ils n'ont qu'un signifiant, leur réalité concrète, et un signifié, leur fonction (pratique, sociale, esthétique ou affective). La fonction pratique est de faire quelque chose avec l'objet, la fonction sociale est de le montrer comme preuve de statut, la fonction esthétique est de l'admirer, la fonction affective est de l'aimer.
Nous nous poserons aussi ces questions :
Le livre, le disque, le DVD sont-ils voués à disparaître ?
Quels changements apportera la fabrication additive d'objets ?
L'innovation, la mode et l'obsolescence programmée raccourcissent-elles la vie des objets ?
Qu'est-ce que le fétichisme de la marchandise ?
Dans quelle mesure les objets participent-ils de la construction du genre ? (voir corpus de synthèse n°1)
Quelle distinction peut-on faire entre outil, instrument, machine, ustensile, marchandise, article, appareil ?
L'objet est-il un moyen ou une fin ?
Notre identité et notre existence sont-elles formées par les objets ? (voir corpus de synthèse n°2)
L'usage des objets relève-t-il d'une éthique ? (voir corpus n° 3)
L'objet est-il un intermédiaire entre la nature et l'homme ?
Qu'est-ce qu'un objet culte et en quoi se différencie-t-il d'un objet cultuel ?