lundi 13 septembre 2010

le rire comme réponse à la surprise

Le mot “hilarant” apparaît pour la première fois dans le dictionnaire en 1805 pour caractériser un composé chimique, le protoxyde d’azote. On trouve dans Littré (s. v. Hilarant) la citation suivante extraite de l’Abrégé de Chimie de Pelouze et Frémy : “Le protoxyde d’azote est impropre à la respiration ; introduit dans les organes respiratoires, il produit une sorte d’ivresse qui lui a fait donner le nom de gaz hilariant”. Le gaz hilarant allait devenir une attraction foraine. Moins plaisant, mais d’une autre portée, le protoxyde d’azote devait aussi révéler des propriétés analgésiques qui permirent l’essor de la chirurgie moderne : l’anesthésie générale a recours (pour partie) à ce gaz singulier. Le MEOPA (acronyme de : “mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d'azote”) est aujourd'hui utilisé en pédiatrie pour ses propriétés antalgiques et sédatives (sédation consciente) (N2O/O2).
Quel rapport entre “endormir la douleur” et “rire” ? L’hypothèse ici développée consiste précisément à poser que cette proximité fonctionnelle de l’anesthésie et du rire, “chimiquement prouvée” par les effets du protoxyde d’azote, peut constituer une voie d’accès à la compréhension du rire. En effet, que la cause soit purement matérielle (gaz hilarant, alcool... ; empoisonnement cérébral : rire sarde, par exemple ; atrophie cérébrale ou dégénérescence de la chimie neuro-médiatrice : épilepsie gélastique, maladie de Pick… où le sujet est incapable de rien prendre au sérieux ; chatouillement) ou purement intellectuelle (rupture brusque de la continuité noétique), le rire s’analyserait comme une suspension réflexe de la communication entre le “cerveau du réel” et le “cerveau émotionnel” permettant de supporter et d’administrer la dénégation de la surprise (dépourvue de danger) que constitue :
- la contradiction (“Qu’y a-t-il, Polos ? Tu ris ? Est-ce là encore une nouvelle forme de réfutation, que de rire, quand quelqu'un dit quelque chose, au lieu d’en prouver l'erreur ?” - Platon, Gorgias, 473 e) ;
- l’absurdité ou l’invraisemblance : c’est le rire du nonsense ;
- la discordance ou l’incongruité : un monsieur en frac et haut de forme, mais aussi… en caleçons ;
- la différence, c’est la blague dite “ethnique” ;
- l’hyperesthésie du chatouillement (vide infra).
Le rire sanctionne l'inadéquation d’une réponse à situation donnée, une mauvaise adaptation et la corrige aussitôt (si je suis l’auteur de la réponse inadéquate, je ris de moi-même, mais, le plus souvent, c’est l’autre qui fait rire…), au moins subjectivement. Il y a quelque chose de magique dans le rire, qui annule ou qui permet de s’accommoder de la contradiction et de la contrariété. Cette magie est... neurochimique.

http://www.anthropologieenligne.com/pages/12/12.3.html

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