lundi 2 janvier 2012

Corpus de synthèse sur le sport et la violence :

I. Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 :

Votre ado est un peu trop agressif et vous envisagez de l’inscrire au tennis pour le calmer ? Vous risquez de le rendre encore plus combatif ! C’est ce que souligne Luc Collard, chercheur à la Faculté des sciences du sport de l’université de Picardie, et auteur du livre Sport et agressivité. Selon lui, la pratique sportive prône l’usage de la force et de l’intimidation. Il nous dévoile le revers de la médaille…
Doctissimo : Pourquoi les ados sont-ils attirés par le sport ?
Luc Collard : Avant tout, il faut préciser le terme sport, sous lequel on regroupe de nombreuses pratiques différentes. Mais je suppose que vous voulez parler de son acception la plus forte, celle prônée par Pierre de Coubertin à travers les Jeux olympiques : une activité physique, avec des compétitions réglées, par le biais de fédérations. Dans ce cas, je vous répondrais que les jeunes et ados n’aiment pas tant le sport que ça ! Ils préfèrent les activités libres, dans la rue ou la nature, où l’on peut s’extraire du jeu et y revenir quand on veut. Quel ado aujourd’hui va demander une hiérarchie et des règles contraignantes ? D’ailleurs on le voit avec le développement d’activités telles que le skate ou le roller… Les jeunes inventent leurs propres activités, et les fédérations essaient souvent de les récupérer. Du coup, ils se tournent vers d’autres pratiques…
Doctissimo : La pratique d’un sport permet-elle de faire baisser l’agressivité, comme on le prétend généralement ?
Luc Collard : Dans son aspect purement physiologique, la pratique d’un sport va permettre effectivement une purge énergétique. Mais les psychologues savent bien que la fatigue n’est pas nécessairement synonyme d’apaisement… c’est même souvent le contraire ! Le modèle sportif, qu’il s’agisse de la boxe ou du ping-pong, exalte l’opposition et la recherche de domination. Les conduites douces et gentilles sont rarement pertinentes dans l’univers des sports. En Europe, les sports privilégiés sont ceux qui mettent en jeu des « duels » : individu contre individu ou équipe contre équipe. Car l’origine du sport tel que nous le connaissons aujourd’hui remonte à l’Angleterre du 18e siècle, où des compétitions étaient organisées entre les écoles privées. C’est le type d’affrontement dichotomique primaire que l’on retrouve dans le règne animal, pour déterminer le dominant et le dominé. Ce que l’un gagne, l’autre le perd ! Il n’y a pas de place pour les seconds… L’hypothèse que je défends dans mon livre (à travers de nombreuses expériences chez les jeunes et les sportifs) est que le sport procède à un véritable façonnage de l’agressivité.
Doctissimo : Mais le sport prône aussi des valeurs, pour plus d’égalité, d’éthique et de respect ?
Luc Collard : Bien sûr, il existe des valeurs très nobles dans le sport. Normalement, il y a une égalité des chances, puisque les affrontements se font avec des personnes de même niveau ou catégorie, les règles sont scrupuleusement respectées, etc. Parmi les nombreux intérêts éducatifs du sport - développement des capacités de décentration et d’intelligence motrice, acception de règles collectivement partagées, développement des qualités physiques et de certaines capacités cognitives, découverte de son statut socio-affectif au sein d’un groupe, etc. - il ne me semble pas recevable d’y ajouter l’atténuation de conduites agressives.
Le sport est le reflet des valeurs de notre société. Or aujourd’hui, ceux qui s’en sortent le mieux dans la vie sont ceux qui sont les plus agressifs, et qui profitent de la peur des autres pour s’imposer. En clair, ce sont ceux qui ont une mentalité de "battants". Le sport prône simplement ces vertus valorisées par notre société.
Doctissimo : Pourtant, on cite souvent comme solution dans les banlieues difficiles les activités sportives telles que les sports de combats. Vous pensez que ce n’est pas efficace ?
Luc Collard : Prétendre à l’atténuation de l’agressivité par le sport est probablement une erreur. D’ailleurs, dans de nombreuses villes où cela a été mené, on a vu la délinquance au mieux stagner, au pire augmenter. Et lorsqu’on interroge les jeunes qui participent à ces programmes, il apparaît qu’ils pratiquent ces sports la plupart du temps… pour apprendre à se battre !
Doctissimo : Donc selon vous il ne faut pas inscrire ses enfants au sport ?
Luc Collard : Je n’ai jamais dit cela ! Il faut simplement avoir un regard réaliste sur la pratique sportive. Si les parents veulent donner à leurs enfants des armes et des réflexes pour arriver dans la société, en faire des "battants", le sport est une bonne école. Mais s’ils veulent favoriser chez leurs enfants des valeurs d’altruisme et d’échange, et leur apprendre à respecter les points faibles de l’autre et leurs propres points faibles, ce n’est peut-être pas là qu’il faudra chercher.
Doctissimo : Echange, coopération et altruisme sont donc incompatibles avec activité physique ?
Luc Collard : Pas forcément. Prenez l’exemple de l’éducation physique, enseignée dans les collèges et lycées. Elle s’est démarquée très tôt du sport en tant que tel, pour favoriser le développement des conduites motrices (maîtrise de soi, habiletés en situations inhabituelles, etc.) plutôt que la performance pure et dure. Les séquences d’éducation physique sont souvent des activités mélangeant filles et garçons, de niveaux et de motivations très hétérogènes ; il devient impossible de faire du sport au sens fort du terme. Les pratiques corporelles ne se limitent pas au sport. Il y a des dizaines de jeux dont la logique interne ne privilégie pas l’opposition simpliste en miroir. Et de nombreuses activités, à l’école et en dehors, favorisent ainsi d’autres aspects que l’individualisme et l’agressivité : rafting, plongée sous-marine… et globalement toutes les activités de plein air basées sur la coopération, des activités que l’on retrouve dans les stages "nature" par exemple.
Propos recueillis par Alain Sousa

Document 2 :

Décembre 2005. La France vient de passer un mois à voir des voitures brûler, des cités s’embraser. Les questions surgissent : comment en est-on arrivé là ? Qui est responsable ? Que faire ? Il faut réagir. Un grand plan, et vite. On y mit ce qu’on pouvait, dont du sport. 20 millions d’euros de plus pour l’investissement sportif dans les quartiers difficiles. Une mesure de l’ordre du symbolique qui porte les crédits du Centre national de développement du sport, nouvellement créé, à 236 millions en 2007 (dont 120 millions d’euros sur trois ans pour un Plan national de développement du sport). Mais même symbolique, cette rallonge en disait long sur la rescousse idéologique que pouvait apporter le sport dans la lutte contre la délinquance dans les quartiers. Il ne fallait pas douter, montrer le chemin, et répéter, encore et toujours, l’évidence : le sport guérit la violence. Pourtant, au même moment, dans une étude intitulée « Plus de sport, plus de délinquance chez les jeunes », Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS, s’attaque à cette hypothèse. Non seulement ce n’est pas le cas, conclut-il, mais c’est souvent l’inverse qui est constaté : la proportion de délinquants est deux fois plus élevée chez les jeunes pratiquant une activité sportive). « Ce qu’il faut retenir de cette étude, c’est que le sport n’est pas un outil de prévention de la délinquance, explique M. Roché. Au contraire, c’est un des facteurs de la violence. Pas le seul, mais l’un d’entre eux. Arrêtons donc de le considérer comme un outil de prévention de la délinquance, et restons-en à le considérer comme un loisir de santé et de plaisir. » Le sport n’aurait-il au moins pas le mérite de lutter contre l’ennui dans les quartiers ou d’ « occuper » des jeunes susceptibles d’être tentés par la délinquance ? « L’argument « occupationnel » ne tient pas la route non plus. Ce n’est pas parce qu’on joue au foot qu’on n’a plus le temps de commettre un cambriolage ! » s’émeut Sébastien Roché. L’étude n’a pas eu le mérite de lui attirer les bons sentiments de Jean-François Lamour. Le ministre des Sports lui a dit qu’il n’« aimait pas » les résultats. « Lui et son entourage n’aiment pas s’interroger, car s’interroger, c’est se désavouer », explique M. Roché. Les désaveux ministériels, Luc Collard, maître de conférences à l’université Jules-Verne d’Amiens, les connaît bien aussi. Lui a mené une étude pour le compte de l’Education nationale. Sa conclusion : le sport intensif à l’école augmenterait l’agressivité des élèves. « Quand j’ai montré les résultats à l’équipe de Gilles de Robien, ils étaient atterrés, révoltés, ils m’expliquaient que mes résultats étaient faux, que j’avais tort, etc. », explique ce jeune chercheur au regard malicieux, dans son petit bureau lumineux de la fac de STAPS d’Amiens. Ces études ne font pas que déranger les ministres. Elles heurtent aussi notre sens commun, où le sport est devenu une valeur qui figure en bonne place. La première réaction est de les rejeter comme des travaux de sociologues éloignés des réalités du terrain, ennemis inconditionnels du sport. Mais il convient de s’interroger sur notre propre réaction. Car ces études ont non seulement le mérite de donner quelques éléments de faits sur le sport de masse, mais aussi de poser légitimement la question d’une politique du sport vieille de plus de trente ans. La position officielle du ministère des Sports est de ne pas donner d’importance aux études au motif qu’ « elles vont dans tous les sens », bien qu’aucune ne montre d’effet positif dans la lutte ou la prévention de la violence. « Nous avons conscience que le sport n’est pas le pansement de tous les maux de la société, explique son porte-parole, mais qu’il est un des outils de la lutte contre la violence ». Le ministère préfère appuyer sa vision sur « les remontées des milliers de clubs locaux » et les « valeurs » du sport. C’est donc le terrain, constitué d’un réseau de clubs et d’éducateurs sportifs, qui informerait le ministère. C’est justement ce biais d’information qui pose problème. « Tout le monde défend ses intérêts, souligne Sébastian Roché. Les animateurs et les éducateurs défendent leur beefsteak et leurs subventions, mais en fait ils ne font pas ce qu’ils prétendent faire : ce sont plus des entraîneurs qui encouragent l’agressivité et la triche que des éducateurs. » Alors, que faire ? Une fois qu’on a mis à bas une des dernières colonnes de l’État dans les quartiers difficiles, que peut-on espérer ? Jean-Philippe Acensi dirige l’Agence pour l’éducation par le sport, un organisme à fonds mi-publics, mi-privés, qui travaille depuis dix ans à l’aide aux projets sportifs dans les quartiers et veille à la mise en place de bonnes pratiques dans la politique sportive. Pour lui, le progrès passe aussi par une meilleure formation des éducateurs. « Le sport n’a pas de valeur éducative en tant que tel, explique cet observateur lucide. « Si les éducateurs sont mauvais, on aura de mauvais résultats. Et c’est vrai que l’encadrement est souvent un peu trop léger, et plus dans les sports de combat et le foot que dans le judo ou l’escalade ». « Je crois qu’il faut simplement réfléchir aux conséquences des différents sports pratiqués en banlieue, réplique Sébastian Roché. Mettre l’accent sur l’éducatif avec des jeux plus collaboratifs. Peut être que c’est un peu plus ennuyeux, mais on mettrait moins à l’écart toute une population qui ne se sent pas concernée par cette logique compétitive du sport. » Proposition semblable du côté de Luc Collard : « Je ne suis pas pour qu’on se dise « le sport rend agressif donc on va l’interdire dans les quartiers ». Le vrai problème en banlieue, c’est qu’on applique le mauvais médicament. On va défendre les sports de combat ou le foot qui rendent agressifs, alors qu’il faudrait plutôt privilégier les activités de pleine nature, type escalade ou plongée. » Miser sur la technique plutôt que sur la compétition. Travailler sur le long terme. Développer des sports moins agressifs, et s’en donner les moyens. Des mots qui reviennent dans toutes les bouches, chercheurs comme acteurs de terrain.
Marc Préel, « Le sport réduit-il (vraiment) la violence ? », publication du CFPJ.

Document 3 :

PSG-Toulouse, samedi 15 décembre 2007.

Depuis que Julien Quemener est mort, Boulogne a déposé un immense tifo noir et blanc à son prénom parcourant toute la longueur de la tribune et lui rend un hommage systématique à chaque rencontre, en entonnant un court mais toujours vibrant “Julien, Julien, Julien”. Vincent et moi, consternés par le niveau global de l’équipe et par les résultats négatifs récurrents, avons pris l’habitude de répondre par un “Julien, tu rates rien”, le sourire en coin. C’est idiot. C’est drôle. Drôle et idiot.
Le Parc me manquera à moi aussi, quand je serai crevé.
Les quotidiens crachent leurs dépêches: le match contre Toulouse sera sous “haute tension”. Encore plus de CRS, de gendarmes mobiles, de stadiers, des détecteurs de métaux comme s’il en pleuvait, plus de fouilles corporelles. Les ultras ont décidé de ne pas encourager l’équipe. Silence total pendant quatre-vingt-dix minutes. Et gare à ceux qui oseraient violer l’ordre du jour… La raison est simple: les supporters ont tout fait depuis le début de la saison pour communiquer leur passion à la pelouse. Peine perdue. Et donc, à partir d’aujourd’hui, c’est aux joueurs de projeter l’envie du terrain aux tribunes. Pas gagné. Comme ce match couperet. Ça pue.
Je passe chez Vincent qui n’habite pas loin. Une clope, on prend les casques et on grimpe sur sa moto aux couleurs de Paris. Avec sa fameuse cicatrice sur le réservoir, infligée par la clé d’un courageux anonyme, Marseillais épidermique ou vandale sans cause. Peu importe: la blessure est là, belle comme un premier amour oublié. Vincent roule vite, frôle les véhicules trop lents, jongle avec les feux, les passants. Un grand n’importe quoi totalement maîtrisé.
Porte de Saint-Cloud. Pas tant de flics que ça. Les détecteurs de métaux ont semble-t-il posé un lapin aux tribunes latérales. Privilège de taulard réservé aux deux virages. La fouille relève toujours de la supercherie. Je veux un jour introduire une arme de n’importe quelle catégorie pour atomiser un arbitre trop partial, des joueurs pas assez concernés, un président actionnaire paresseux, aucun problème. Bazooka, grenade, revolver, capsule de sarin ou tronçonneuse rouillée, tout rentre, tout passe. Le cirque! Le Parc est devenu un cimetière sans fleur, aux allées bondées, des gens qui ne viennent pas visiter leurs morts mais contempler ceux des autres.
Paris joue trente premières minutes valables. Se procure beaucoup de coups francs, de corners, manque l’immanquable à deux reprises.
Toulouse attend. Ils attendent tous.
Et puis l’inévitable. Camara passe en retrait au gardien Landreau, qui, déjà trop avancé, ne peut intercepter le ballon. Elmander en profite pour marquer son sixième but en trois matches. Les gradins insultent Camara. Ouais. Sauf que Landreau est le vrai fautif. Allez savoir pourquoi, il bénéficie d’une excellente réputation, peut-être le dernier joueur à Paris avec Pauleta qui ne connaît pas les sifflets. Mystère. 0-1.
Le Parc se moque. Un tifo “Les Chèvres” fait son apparition. Boulogne scande “Équipe de merde. On a, on a une équipe de merde” enchaîné avec “Au mercato, barrez-vous”. Mi-temps. On fume. On hait. On fume.
On pleure de l’intérieur. Ça reprend. Paris pousse, dans le vide, notre vide. Elmander s’échappe, crochète et tire dans la surface. 0-2. À peine croyable. Le feraient-ils exprès, ces onze petits laborieux?Le pénalty de Pauleta pendant les arrêts de jeu ne sert évidemment à rien. Le PSG s’incline de nouveau chez lui. Chez moi. Il fait froid maintenant. L’hiver attend le coup de sifflet final pour mordre. Retour dans le onzième, j’achète un minuscule sapin de Noël à 18 euro et une guirlande chez le Paki du coin, 4,90 euro. J’aimerais vraiment savoir pourquoi.
Il scintille dans le salon, il a l’air de se foutre de ma gueule. Je l’entends, sa rengaine silencieuse: “Paris est tragique, Paris est tragique”, j’ai envie de le frapper, fort. Sapin de merde. Équipe de merde. Vie de merde.
Je regarde en boucles le résumé du match. Conseil pratique pour les futurs supporters de Paris: toujours s’imposer de revoir rapidement les images après une défaite. Toujours. Et à plusieurs reprises si possible.
Ça n’atténue rien mais ça permet de se sentir comme au centre d’une tragédie shakespearienne. On revit ce qui est déjà mort, on ferme les yeux, “je compte jusqu’à sept et je me retrouve au Parc, à 14h59, juste avant le début du match. Comme si rien de tout ça n’avait existé. Nouveau départ.” Les voyages dans le temps s’imposent comme une solution tout à fait viable. On tente de relativiser, belle connerie. On scrute le classement, on fait des calculs qui rendent fous, on plonge dans l’avenir, Madame Soleil misérable, aux prévisions moisies. On souffre en toute subjectivité. Une larme coule le long de ma joue gauche. Je renifle bruyamment. Encore un week-end noyé, un week-end foutu.
Jérôme Reijasse, Parc.

Document 4 :



Photo Le Monde.

II. Ecriture personnelle :
Pensez-vous que la pratique et le spectacle du sport sont de nature à développer l’agressivité ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire