dimanche 29 septembre 2013

Cette part de rêve : sujet de synthèse et d'écriture personnelle #1

1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :  

Document 1 :

Quand le cerveau rêvasse, il travaille vraiment...

Serait-ce la réhabilitation de l’image du savant distrait et rêveur, dans le plus pur style du professeur Tournesol ? Une équipe de scientifiques canadiens vient de démontrer que l’état de rêverie stimule significativement l’activité cérébrale, aidant ainsi à la résolution de problèmes complexes.
Plusieurs réseaux cognitifs se partagent la tâche dans notre cerveau, selon qu’il s’agisse d’accomplir des actes de routine, comme marcher, appuyer sur un bouton… ou résoudre des problèmes plus complexes. Le premier, qui peut être appelé « réseau par défaut » car son activité est permanente à l’état d’éveil, est ainsi secondé en cas de besoin par le « réseau exécutif ».
Ce dernier s’identifie comme étant le cortex préfrontal moyen et forme le lobe frontal du cerveau, situé en avant des régions prémotrices. De lui dépendent les fonctions cognitives supérieures, comme le raisonnement, mais aussi le langage et la mémoire. Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que l’une ou l’autre de ces deux zones était activée de préférence, en fonction de la nature de la tâche accomplie.
L’équipe de chercheurs, dirigée par Kalina Christoff, directrice du laboratoire de sciences neurologiques de l'Université Bristish Columbia de Vancouver, a examiné par IRMF (Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) le cerveau de plusieurs sujets, alors qu’ils accomplissaient différents travaux ne relevant que de la routine (comme appuyer sur une touche), ou rêvassaient. Les conclusions de cette étude, inattendues, pourraient être la plus grande découverte neuroscientifique de la décennie…
Si le « réseau par défaut » reste relativement actif dans toutes les situations, en revanche, le « réseau exécutif », correspondant aux fonctions cognitives supérieures, s’active intensément lorsque le sujet se met à rêvasser. Autrement dit, comme le démontre l’étude publiée dans les Pnas, la rêverie stimule le cerveau et lui permet de réfléchir plus. « Il s'agit d'une découverte étonnante que de voir ces deux réseaux du cerveau activés en même temps, commente Kalina Christoff. Jusqu'à présent, les scientifiques pensaient que quand l’un fonctionnait l’autre était en dormance ».
Cette étude démontre que pour résoudre des problèmes complexes, il vaut mieux laisser son esprit vagabonder plutôt que de s’acharner inutilement. « Quand on rêve éveillé, on peut ne pas atteindre son objectif immédiat (par exemple la lecture d'un livre ou suivre les cours en classe) mais l'esprit prend le temps de régler des questions plus importantes, comme la promotion de sa carrière ou ses relations personnelles », conclut Kalina Christoff.

Jean Etienne, "Quand le cerveau rêvasse", Futura-Sciences, 2009.

Document 2 :

Si je prends le dictionnaire et que je consulte la définition du mot “rêverie” je trouve ceci :
- nf. Pensées vagues auxquelles se laisse aller l’imagination.
Il est clair que de nos jours, avoir des pensées vagues, laisser voguer son imagination ne sont pas des activités qui sont très appréciées, surtout dans les entreprises. Et pourtant, à partir d’une rêverie, des déclics peuvent se produire. Je dirais même que l’art de la rêverie est important, si dans notre monde nous voulons rester sain d’esprit.
C’est en lisant un livre de Jean-Jacques Rousseau que je me suis demandé si nous accordions encore du temps à la rêverie. Ainsi, le philosophe né à Genève et un peu parano, raconte qu’il passe quelques semaines dans une petite île située sur le lac de Bienne en Suisse. Le temps est beau et Rousseau aime à se promener en barque sur cette étendue d’eau d’un calme exceptionnel. Même mieux, il adore se coucher dans son embarcation, les yeux au ciel, se laissant aller au gré du courant, en rêvant, tout simplement.
Oui, c’est bien du philosophe célébré pour Le contrat social et ses Confessions dont je parle. Pas de quelqu’un qui passait son temps à procrastiner et qui n’a pas fait grand chose de sa vie. Le citoyen de Genève, que je soupçonne d’avoir été un scanneur notoire nous donne au-delà du temps une belle leçon. Celle qu’il est nécessaire d’aérer sa vie professionnelle par des plages de repos complet. Tim Ferriss devrait être content.
Comme d’habitude, prenons exemple sur les enfants. Ne sont-ils pas les rois de la rêverie ? Ils ont une grande habilité à se créer des mondes imaginaires riches et colorés. Pour ça d’ailleurs, pas besoin de jouets coûteux ou de Nintendo. Seul l’imagination suffit. Si de nos jours, nous empêchons les plus jeunes de rêver en leur offrant trop d’activités pré-mâchées, il est certain que leur évolution en subira les conséquences. Les métiers de l’avenir seront de plus en plus tournés vers la création et s’ils n’ont pas développé et habitué leur cerveau à imaginer des scénarios, des options, des solutions possibles, certains d’entre eux risquent d’être moins épanouis dans leur future vie professionnelle.
En fait, tout cela, nous le savons bien car, un jour, il y a longtemps, nous étions nous aussi des enfants. Fouillez un peu dans vos souvenirs et remémorez-vous un de ces moments délicieux où, allongé quelque part dans la nature, seul ou seule, vous vous sentiez bien, où tout allait de soi, où tout était à sa place. Vous y êtes ?
Pour moi, c’était dans un petit bosquet qui se trouvait à la campagne dans le Bugey, une petite région de l’Ain, où en m’allongeant sur le dos, dans l’herbe, je voyais devant moi la cime des arbres et derrière, le ciel bleu, pur, où patrouillaient de petits nuages fragiles. Ce sont ces derniers qui déclenchaient mon imaginaire. Que cachaient-ils ? Où allaient-ils ? Combien étaient-ils ? Tout un scénario se développait dans cette rêverie interrompue seulement par l’appel de mes parents pour le dîner à la maison, là-bas.
Tentez maintenant de retrouver ces sensations en vous allongeant sur la moquette, à côté de votre bureau. Vous verrez la réaction de votre chef de service qui viendra vous dire, en posant une main sur votre épaule : “Je sais mon ami, je sais… [soupir] …la barque, le lac, Rousseau… continuez votre rêverie. Elle est bénéfique pour notre chiffre d’affaire.”
Et pourtant.
Des études scientifiques l’ont prouvé à plusieurs reprises. C’est bien en offrant à ses employés des plages libres où ils peuvent s’exprimer librement qu’une entreprise bénéficie de leur créativité. Un système comme celui de Google qui laisse à son personnel 20% de son temps de travail pour se concentrer sur des projets de son choix en est un bel exemple. On va me dire que Google avec ses moyens peut se permettre cela. En fait, c’est le contraire qui est vrai. C’est parce qu’ils ont autorisé ce système que les patrons de Google en recueillent aujourd’hui les bénéfices. Environ 50% des innovations de l’entreprise américaine viennent de ces projets libres.
Mais comme il est interdit de s’adonner à la rêverie au bureau, on le fait où l’on peut, car c’est un besoin vital, et souvent c’est dans la voiture, au milieu des embouteillages, là où l’on se sent faussement isolé et protégé, qu’on se shoote secrètement à la rêverie. Bien entendu, elle ne peut pas être de la qualité de celle créée dans un décor naturel et finit souvent par tourner au négatif, aux pires scénarios, aux angoisses, aux factures non payées, à la peur du futur.
D’où l’importance de faire des coupures. Partir, pour aller se régénérer seul(e) ou avec son ou sa partenaire. Ne rien prévoir de compliqué. Pas de rush touristique. Juste la paix, la nature et vous. Beau programme, non ?
Regardez les animaux. Ils prennent le temps de se relaxer. Observez un chat. Ne vous est-il jamais arrivé d’envier son rythme de vie ? Dans leur état naturel, les animaux ne sont pas stressés et vaquent tranquillement à leurs occupations, se ménageant de longues plages d’immobilité, les yeux dans le vague, contents.
L’homme, qui fondamentalement est comme eux, devrait faire de même. Je sais que j’insiste beaucoup sur ce point dans mes articles mais n’attendez pas que quelqu’un vienne vous donner une autorisation pour le faire. Prenez-la !
Choisissez un coin de nature isolé et goûtez à cette solitude régénératrice. Si ce n’est pas possible, isolez-vous chez vous, en écoutant de la musique douce. Laissez aller vos pensées. La rêverie, ce n’est pas comme la méditation où là, si j’ai tout compris, on fait le vide. Non, le but de la rêverie c’est de laisser aller vos pensées, de voir où elles vous conduisent, de les taquiner, de les chatouiller pour voir ce qui se produit.
Les chercheurs ont démontré que lorsque nous nous laissons aller à cette activité, les lobes temporaux, partie de notre cerveau associée à la mémoire, redoublent d’activité. Le cortex préfrontal lui, n’est pas en reste et s’active aussi. C’est grâce à lui que nous trouvons des solutions à nos problèmes.

Jean-Philippe Touzeau, "L'art de la rêverie", révolutionpersonnelle.com

Document 3 :

« La rêverie ne mène à rien; elle développe la sensibilité et enveloppe de tristesse, quand elle ne fait rien de pire. La seule rêverie qui fait du bien, c’est celle qui se rapproche de l’infini en contemplant l’étendue de l’océan ou la profondeur des cieux. »
Lettre de direction à une jeune femme, Léopold Beaudenom, vers 1900.
Les directeurs de conscience adressent fréquemment des mises en garde au sujet de la rêverie, dans les lettres de conseil spirituel qu’ils envoient aux femmes. Au fil du 19e siècle, ce désir de contrôle des rêves et de «l’imagination »,  selon leurs termes, ne cesse de s’accroître. Je n’ai pas trouvé de discours équivalent dans les lettres destinées aux hommes. Le rêve et la rêverie sont des activités jugées « féminines » : les femmes, et particulièrement les jeunes femmes, se laisseraient déborder par leur imagination, et l’on craint les effets néfastes de tels débordements. Quels effets néfastes ? Cela peut nous paraître surprenant. : aujourd’hui, on considère que le fait de rêver (endormi ou éveillé) est normal pour un être humain ; on valorise d’ailleurs les «grands rêves » comme les signes d’une vie intérieure riche et stimulante.
 Il n’en est pas de même à la fin du XIXe siècle : le rêve est un risque, rêver est un danger. Les éducateurs (mères, clergé) ne cessent d’insister sur l’inutilité de la rêverie, dans un monde où toute la vie n’est que « devoir ». En réalité, ce souci de limiter les rêves des femmes, au nom du devoir, cache des réalités plus concrètes : elles doivent se conformer au destin traditionnel des femmes des milieux bourgeois : la mariage et la maternité. Si le mariage forcé n’existe pas, bien des pressions sont possibles pour faire accepter aux jeunes femmes des conjoints correspondant aux projets patrimoniaux de leurs parents. Dans ce contexte, le rêve porte en lui les germes d’une révolte potentielle contre l’injonction du mariage et de la maternité, contre le fiancé choisi par la famille. D’ailleurs, les « mauvais livres » sont déconseillés car ils ouvrent la porte à la rêverie. La lecture des romans est particulièrement visée, pour des raisons dont les auteurs des manuels de formation ne se cachent pas : si les femmes s’identifient aux personnages et à leurs trajectoires amoureuses romanesques, elles risquent de vouloir conformer leur vie aux romans. Il ne s’agit pas que les femmes ressemblent à Emma Bovary ! Surveiller l’imaginaire des femmes, c’est surveiller les émotions amoureuses et les désirs charnels : en réalité, on surveille les effets de l’imaginaire sur le corps.
La rêverie des femmes doit donc être contrôlée sous peine de troubles dans l’ordre social : parce que le rêve est une évasion symbolique, il porte en lui le risque d’une évasion réelle. La rêverie mènerait ainsi au refus du mariage, à l’adultère, à des projets aventureux. Comme le montre l’extrait de la lettre de Léopold Beaudenom, les directeurs cherchent alors à canaliser la rêverie dans le sens du sacré. Il établit, en quelque sorte, les « rêves autorisés » : ceux qui renvoient à Dieu.  En conséquence, « La seule rêverie qui fait du bien, c’est celle qui se rapproche de l’infini en contemplant l’étendue de l’océan ou la profondeur des cieux. ». Une logique précise sous-tend ces conseils, que l’on trouve reproduits dans de nombreuses lettres. Si l’on inscrit le rêve dans le sacré, on exclut de la rêverie tout ce qui n’a pas sa place dans le sacré : le corps et les émotions humaines. Le rêve devient dès lors inoffensif !
Les éducateurs vont encore plus loin dans cette volonté de contrôle de l’imaginaire féminin : ils prétendent même influencer le contenu des rêves des femmes endormies. Des prescriptions très précises concernent le coucher et le lever : la dernière pensée du soir doit aller à Dieu, comme la première pensée du matin. Il est préférable de dormir face à un crucifix (quand on ne peut pas le tenir dans ses mains !). Ces consignes sont d’ordinaire destinées à des religieuses mais, au fil du siècle, elles concernent progressivement les femmes mariées et les jeunes femmes. Le sommeil, par le relâchement qu’il implique, est une activité dangereuse. Les examens de conscience imposent d’ailleurs le récit des rêves. Certains rêves sont ainsi condamnés à deux titres : la morale et la religion.
Ce tableau doit vous sembler bien pessimiste. Si l’on s’en tient aux discours normatifs et aux prescriptions, l’emprisonnement mental des femmes ne fait aucun doute, les éducateurs prétendant s’immiscer jusque dans les tréfonds de la vie intérieure : le rêve. Il faut cependant prendre garde à ne pas confondre les discours et le réel. Les femmes continuent de s’adonner à la rêverie en dépit du contrôle grandissant qui s’exerce sur elles. Elles construisent des échappatoires, s’adaptent, rusent consciemment ou inconsciemment.

Caroline Muller, "Rêves autorisés", Histoire(s) de direction spirituelle au XIXe, 2012.

Document 4 :

La Soupe et les nuages

Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la salle à manger je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l'impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation: "- Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts."
Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j'entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouée par l'eau-de-vie, la voix de ma chère petite bien-aimée, qui disait: "- Allez-vous bientôt manger votre soupe, s...b... de marchand de nuages?"

Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, 1869.

2) Écriture personnelle :

Pensez-vous que la rêverie soit menacée par la vie actuelle?

Un corrigé partiel de la synthèse (plan et rédaction d'une partie) se trouve ici. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire