1)
Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des
documents suivants :
Document
1 :
Méditation
première
Je
supposerai donc, non pas que Dieu, qui est très bon, et qui est la
souveraine source de vérité, mais qu’un certain mauvais génie,
non moins rusé et trompeur que puissant, a employé toute son
industrie à me tromper; je penserai que le ciel, l’air, la terre,
les couleurs, les figures, les sons, et toutes les choses
extérieures, ne sont rien que des illusions et rêveries dont il
s’est servi pour tendre des piéges à ma crédulité ; je me
considérerai moi-même comme n’ayant point de mains, point d’yeux,
point de chair, point de sang ; comme n’ayant aucuns sens,
mais croyant faussement avoir toutes ces choses ; je demeurerai
obstinément attaché à cette pensée ; et si, par ce moyen, il
n’est pas en mon pouvoir de parvenir à la connoissance d’aucune
vérité, à tout le moins il est en ma puissance de suspendre mon
jugement : c’est pourquoi je prendrai garde soigneusement de
ne recevoir en ma croyance aucune fausseté, et préparerai si bien
mon esprit à toutes les ruses de ce grand trompeur, que, pour
puissant et rusé qu’il soit, il ne me pourra jamais rien imposer.
Méditation
seconde
Je
suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses ; je
me persuade que rien n’a jamais été de tout ce que ma mémoire
remplie de mensonges me représente ; je pense n’avoir aucuns
sens ; je crois que le corps, la figure, l’étendue, le
mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit.
Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? Peut-être
rien autre chose, sinon qu’il n’y a rien au monde de certain.
Mais
que sais-je s’il n’y a point quelque autre chose différente de
celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse
avoir le moindre doute ? N’y a-t-il point quelque Dieu, ou
quelque autre puissance, qui me met en l’esprit ces pensées ?
Cela n’est pas nécessaire ; car peut-être que je suis
capable de les produire de moi-même. Moi donc à tout le moins ne
suis-je point quelque chose ? Mais j’ai déjà nié que
j’eusse aucun sens ni aucun corps : j’hésite néanmoins,
car que s’ensuit-il de là ? Suis-je tellement dépendant du
corps et des sens que je ne puisse être sans eux ? Mais je me
suis persuadé qu’il n’y avoit rien du tout dans le monde, qu’il
n’y avoit aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns
corps : ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étois
point ? Tant s′en faut ; j'étois sans doute, si je me
suis persuadé ou seulement si j’ai pensé quelque chose. Mais il y
a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui
emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc
point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me
trompe tant qu’il voudra, il ne saura jamais faire que je ne sois
rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après
y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses,
enfin il faut conclure et tenir pour constant que cette proposition,
je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que
je la prononce ou que je la conçois en mon esprit.
Descartes,
Méditations métaphysiques, 1641.
Document
2 :
La
vie est un songe
Tout
n'est plein ici bas que de vaine apparence,
Ce qu'on donne à
sagesse est conduit par le sort,
L'on monte et l'on descend avec
pareil effort,
Sans jamais rencontrer l'état de
consistance.
Que veiller et dormir ont peu de différence,
Grand maître en l'art d'aimer, tu te trompes bien fort
En
nommant le sommeil l'image de la mort (1),
La vie et le sommeil
ont plus de ressemblance.
Comme on rêve en son lit, rêver en
la maison,
Espérer sans succès, et craindre sans raison,
Passer
et repasser d'une à une autre envie,
Travailler avec peine et
travailler sans fruit,
Le dirai-je, mortels, qu'est-ce que cette
vie ?
C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.
(1)
Allusion à un vers d'Ovide, poète latin : " qu'est le sommeil,
sinon l'image de la froide mort ? " (Les Amours, II, 9, 41)
Jacques
Vallée Des Barreaux
(1599-1673)
Document
3 :
Le
mythe de la matrice désigne le récit de la création. Matrice du
latin matrix
(matricis),
lui-même dérivé de mater,
qui signifie « mère ». Il s’agit d’un élément qui
fournit un appui ou une structure, et qui sert à entourer, à
reproduire ou à construire.
Le
mythe de la Matrice est convié par l’allégorie de la caverne de
Platon dans le film Matrix.
Dans
cette célèbre allégorie (ou comparaison systématique), Platon
représente le monde matériel (ou monde sensible) comme une caverne
dans laquelle les êtres humains sont enchaînés depuis leur
naissance. Les prisonniers que nous sommes contemplent le théâtre
des ombres où défilent les apparences des choses, telles que nous
les percevons.
Ces
ombres sont les reflets des Formes ou Idées qui défilent derrière
un mur en surplomb.Les idées forment ensemble la vraie réalité.
Elles sont éclairées par un grand feu, ici représentée comme le
soleil de la valeur suprême du monde des Idées : le Bien souverain.
Dans ce ciel, brillent toutes les valeurs authentiques, éclairées
par le soleil du Bien: la Vérité, la Justice, la Beauté.
Le
philosophe s'échappe de la caverne, grâce à la réflexion, et
graduellement contemple le reflet des Idées dans un lac, où elles
apparaissent imparfaitement, puis directement, à mesure que son
regard s'habitue à la lumière vive du monde des Idées. C'est le
mouvement ascendant. Mais il voit que sa mission est de montrer aux
prisonniers leur erreur, eux qui discourent sans fin sur les ombres,
croyant qu'elle est la seule réalité. Il revient faire leur
éducation. C'est le mouvement descendant. Mais là, il est fort mal
reçu par ces mi-aveugles qui ne croient pas en l'existence du monde
des Idées, qui est pourtant le véritable monde, car l'être humain
est une âme bien plus qu'un corps. Un être humain est une âme
immortelle, appartenant au monde des Idées, qui est enchaîné dans
un corps prisonnier des apparences sensibles.
Platon
utilise cette allégorie pour faire comprendre sa théorie des Idées.
Dans un monde changeant où toutes les formes sont imparfaites, la
régularité des choses ne peut provenir que de l'existence d'un
moule commun : l'Idée. Par exemple : l'Idée du cheval, l'Idée de
l'homme, l'Idée de la justice.
Dans
le film, la matrice est un programme informatique qui génère de
fausses perceptions chez les humains en leur créant un monde
réaliste en apparence. Par ce fait même, tout ce que les sens des
humains distinguent n’est pas rattaché à des objets matériels,
mais plutôt à un signal informatique transmis à leur cerveau. Dans
l’allégorie de Platon, le monde perçu est la caverne et les
ombres projetées sur ses murs. C’est en fait comme la matrice,
c’est-à-dire une coquille séparant des humains du monde réel.
De
plus, il faut mentionner que, dans les deux cas, il y a présence
d’une réalité. En effet, dans le film Matrix, même si la
vie qui semble être la plus réaliste est celle vécue par la
presque totalité des humains, la réalité, c’est que la réalité
est que les machines possédant une intelligence artificielle
dominent la planète et que les humains ne sont rien d’autre qu’une
ressource énergétique fort rentable pour leurs supérieurs. De
plus, les seuls humains vivant réellement leur vie dans le monde
réel sont en permanence dans un vaisseau ou bien dans une cité
souterraine nommée Zion (la dernière ville d’Hommes libres sur
Terre). Dans le cas de l’allégorie, c’est le monde en dehors de
la caverne qui est la réalité. (...)
Dans
le film, comme chez Platon, il est question de Prisonniers. Ils ne
sont pas enchaînés dans une caverne et condamnés à ne connaître
de la réalité que les ombres chinoises qui défilent sur la paroi
du fond. Les personnages du film sont pris dans la «matrice», qui
n'est autre que le monde dans lequel nous vivons, qui se donne pour
la réalité ultime, avec ses charmes et des côtés agréables; mais
il est une illusion qui retient l'humanité en exil loin de là.
Parmi tous ces prisonniers, le jeune informaticien Anderson pressent
dans ses angoisses et ses rêves qu'il doit y avoir autre chose.
C'est alors que Morpheus entre en jeu, il représente le philosophe,
celui qui va enlever les chaînes et dévoiler la vérité. En effet,
Morpheus et ses compagnons : Trinity, Cypher, Apoc, ... sont les
"éveillés" qui lui proposent de les rejoindre. Ils
pressentent qu'il pourrait être l'"élu" et ils vont le
délivrer pour le faire sortir de la "caverne". Une fois
déconnecté du monde virtuel, Néo se retrouve dans un espèce de
cocon puis est transféré inanimé dans le vaisseau de Morpheus (ils
réussissent à le délivrer en faisant croire aux robots qu'il est
mort). En se réveillant, la première chose que lui dit Néo est «
Mes yeux me font mal » comme dans l'allégorie de la Caverne : « Ne
crois-tu pas que ses yeux lui feraient mal. » et Morpheus lui répond
« tu vois clair pour la première fois » par analogie avec le
soleil qui éblouirait les yeux du prisonnier libéré. Ensuite,
Morpheus raconte à Néo la vraie réalité. A la fin du récit,
comme dans le mythe où le prisonnier réagit avec violence, Néo
vomit après avoir vu la réalité vraie.
"La
Matrice ", mythesetcinema.com
Document
4 :
Il
n’y a aucune absurdité, au point de vue de la logique, à supposer
que le monde ne contient que nous-mêmes avec nos pensées, nos
sentiments, nos sensations et que toute autre chose n’est
qu’illusion. Nos rêves nous montrent un univers fort compliqué,
et cependant, au réveil, nous découvrons que tout n’était
qu’illusion, c’est-à-dire que les témoignages sensoriels qui
étaient les nôtres au cours de notre rêve, ne semblent pas avoir
correspondu aux objets physiques que nous pourrions normalement
associer à ces témoignages sensoriels. (Certes, lorsque nous
prenons le monde matériel pour acquis, il est possible évidemment
de trouver des causes physiques aux témoignages sensoriels que nous
avons dans les rêves; par exemple, une porte qui bat peut faire
naître le rêve d’une bataille navale. Dans ce cas, cependant,
s’il y a bien une cause physique à notre réaction
sensorielle, il n’y a pas d’objet physique qui corresponde à
nos témoignages sensoriels comme le ferait une bataille navale
véritable.) Il n’y a pas d’impossibilité, du point de vue de la
logique, à supposer que l’existence entière n’est qu’un rêve
au cours duquel nous créons nous-mêmes tous les objets qui se
présentent à nous. Néanmoins, si cette hypothèse n’est pas
logiquement impossible, il n’y a aucune raison de penser qu’il en
est ainsi réellement; de plus, c’est là une hypothèse moins
simple, pour expliquer les faits de notre existence, que la
supposition fondée sur le bon sens et voulant qu’il y ait
réellement des objets existant indépendamment de nous, et dont
l’action sur nous provoque nos sensations.
32)
La simplicité de cette dernière supposition peut s’illustrer de
la façon suivante: si un chat est aperçu à un moment donné, en un
endroit donné, puis à un autre moment en un autre endroit, nous en
concluons naturellement que ce chat s’est transporté d’un
endroit à l’autre, occupant une série de positions
intermédiaires. Mais si le chat n’est qu’un ensemble de
témoignages sensoriels il ne peut avoir occupé aucun des endroits
où je ne l’ai pas vu; ainsi, nous devons supposer qu’il
n’existait pas au moment où nous ne le voyions pas, et qu’il a
pris subitement corps à chaque endroit où nous l’avons vu. Si le
chat existe, que nous le voyions ou non, nous pouvons comprendre,
d’après notre propre expérience vécue, qu’il devienne affamé
d’un repas à l’autre, même s’il n’est pas devant nous; mais
si le chat n’existe pas en dehors de notre présence, il nous
paraîtra anormal que son appétit s’accroisse pendant le temps où
il n’a pas d’existence, tout autant que s’il existait de façon
permanente. (...)
33)
Or, la difficulté que présente la réalité du chat n’est rien en
comparaison de celle qui nous arrête si l’on considère les êtres
humains. Quand un être humain parle, c’est-à-dire quand nous
entendons des sons que nous associons à des idées et que nous
voyons simultanément certains mouvements des lèvres et certains
changements d’expression dans la physionomie, il est très
difficile de supposer que les sons perçus ne sont pas l’expression
de la pensée car nous savons qu’il en serait ainsi pour nous si
nous émettions ces mêmes sons. Bien entendu, des faits analogues se
produisent au cours des rêves et nous avons alors l’illusion
d’avoir devant nous des interlocuteurs qui sont en réalité
inexistants. Mais les rêves sont souvent engendrés par les
circonstances de notre vie à l’état de veille, et ils sont plus
ou moins explicables, d’après des principes scientifiques, à la
condition d’admettre qu’il existe bien un monde physique. Ainsi,
le principe de simplicité sous ses diverses formes nous pousse à
adopter l’idée normale qu’il existe réellement, distinctes de
nous et de nos témoignages sensoriels, des entités qui ne dépendent
pas de nos perceptions.
34)
Bien entendu, ce n’est pas par des raisonnements que nous en venons
initialement à croire en un monde extérieur à nous. Nous trouvons
cette croyance toute prête au fond de nous-mêmes, dès que nous
commençons à réfléchir; c’est ce qu’on peut appeler une
croyance innée ; or, nous n’aurions jamais été amenés à
mettre en doute le bien-fondé d’une telle croyance s’il ne nous
semblait pas, particulièrement en ce qui concerne le sens de la vue,
que le témoignage sensoriel même était instinctivement assimilé
par nous à l’objet extérieur à nous, alors que le raisonnement
nous montre qu’une entité distincte de nous ne peut se confondre
avec notre témoignage sensoriel.
Bertrand
Russell, Problèmes de la philosophie, 1912.
2)
Le rêve s'oppose-t-il à la réalité ?
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