dimanche 3 septembre 2017

Corps naturel, corps artificiel : sujet de culture générale n°2



1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :

Document 1 :

A la suite du décryptage du génome ont été mis en évidence un certain nombre de gènes impliqués dans les effets de l'âge. Le premier découvert étant celui de l'apolipoprotéine E, l'une des molécules qui transportent le cholestérol. Mais des chercheurs sont allés bien plus loin. Cynthia Kenyon, une brillante biologiste de l'université de Californie à San Francisco, est parvenue à décoder tout un processus génétique impliqué dans la durée de la vie. Elle a pris pour cobaye Caenorhabditis elegans, un ver nématode de 1 millimètre de long, doté de 1100 cellules et de 17 jours d'espérance de vie. Une caractéristique qui fait de cette bestiole un modèle unique pour étudier l'impact de stratégies de lutte contre le vieillissement. Cynthia Kenyon démontre qu'une mutation d'un seul gène, appelé DAF-2, multiplie par deux la durée de vie de ce ver, mais également son potentiel jeunesse. Pour le ver nématode, 34 jours, pour l'homme, 160 ans, avec, au moins, 80 années de pleine jeunesse.
L'équation comme la perspective laissent rêveur. D'autant que ce gène DAF-2, qui contrôle une série de gènes actifs dans la croissance, dans le métabolisme et dans les systèmes de lutte contre les radicaux libres, a un équivalent chez le mammifère, donc chez l'homme, dans ce que l'on appelle la «cascade insuline IGF-1». Or, dès lors que l'on connaît le mode de fonctionnement de ces gènes, on peut agir sur eux en les bloquant, en les stimulant ou en les copiant. Une thèse corroborée par des études portant notamment sur la restriction calorique ainsi que sur le resvératrol, un antioxydant que l'on trouve dans le vin. Un axiome à consommer, bien sûr, avec modération. Il ne s'agit pas de moins manger et de boire plus d'alcool. L'histoire montre avant tout que la génétique n'est pas une fatalité. Elle offre aussi des moyens d'action potentiels pour un surcroît d'existence et de jeunesse.
Plus spectaculaires encore, les travaux du Pr Ronald DePinho de l'université Harvard. Il prend le problème à la racine en agissant directement sur le renouvellement des cellules de souris vieillies prématurément. Toutes les cellules se divisent pour se renouveler. Or, à chaque division, les extrémités des chromosomes, les télomères, raccourcissent. Au bout d'un certain nombre de divisions, la taille du télomère s'atrophie et la cellule cesse de se diviser, entre en sénescence ou s'autodétruit. Cette mort cellulaire diminue la reproduction des tissus et contribue au vieillissement. Or, le Pr Ronald DePinho a réactivé la production d'une enzyme, la télomérase, intervenant notamment durant le développement embryonnaire. Celle-ci est capable de rallonger les télomères. Miracle de la régénérescence, le processus s'est inversé, les souris ont rajeuni ! Pourquoi pas nous ? Elles ont retrouvé leur fertilité, et leurs organes tels le foie ou les intestins en parfait état. Et, nec plus ultra, le cerveau, lui-même, se trouve régénéré avec le développement de nouveaux neurones. La démonstration est faite - du moins chez le rongeur - qu'en maintenant la taille optimale des télomères, on préserve, voire on améliore la jeunesse cellulaire.
Mais cette cure de jouvence n'est pas sans dangers. Si la télomérase est bénéfique aux cellules saines en maintenant leur capacité à se diviser, elle bénéficie également et malheureusement aux cellules malignes. Faust appartient désormais au passé. Il ne s'agit plus de vendre son âme au diable, mais d'arbitrer entre vieillir tout simplement ou rajeunir... en prenant le risque de vivre moins longtemps.

Martine Betti-Cusso, "Rester jeune", lefigaro.fr

Document 2 :

Photos : Découvrez Cristiano Ronaldo avant la chirurgie esthétique et le botox
Le footballer portugais a révélé dans une interview accordée au magazine VIP être accro aux injections de botox, et ce depuis de nombreuses années.
Il faut dire que le jeune homme de 31 ans accorde une attention toute particulière à son visage.
Rides lissées, sourcils épilés, peau ultra-nette et dentition parfaite… aucun détail n’est laissé au hasard.
Et cela ne semble pas être qu’une question de médecine esthétique. En regardant de plus près quelques-unes de ses anciennes photos, on soupçonne le joueur du Real Madrid d’avoir également eu recours à la chirurgie esthétique. En effet, son nez apparaît beaucoup plus fin et ses paupières légèrement rehaussées… à vous de juger !
Cristiano Ronaldo avant la chirurgie :


Crédits des photos : Pinterest

 Crédits des photos : Instagram @cristiano
"Photos : Découvrez Cristiano Ronaldo avant la chirurgie esthétique et le botox", femmeactuelle.fr

Document 3 :

On admire le sexagénaire bien tapé Mick Jagger d'exercer le plus jeune métier du monde en jean moulant. Sa pêche sur scène déclenche l'enthousiasme. Non pas : " C'est plus de son âge ", mais : " C'est vraiment bien pour son âge. " Du coup, le type peut chanter sans trop d'ironie Time Is on My side, sorti  en 1964, à l'époque où le même se dépensait mille fois moins sur scène, conformément à une donnée qui est tout sauf paradoxale : à l'époque, sa jeunesse effective n'avait pas besoin de produire un pastiche de jeunesse ; son énergie réelle le dispensait de produire la comédie de l'énergie.
Car on sait ce que ce miracle de jouvence induit de renoncement à ce qui caractérise la jeunesse, à savoir une souveraine indifférence aux conséquences médicales de ses actes (biture, drogue, nuits blanches, clopes clopes clopes). En 2004, le premier dentiste que je consultai après quinze ans de soins me révéla que mon cas était d'une désolante banalité : entre 20 et 35 ans, on se bousille les dents en s'en foutant complètement. Et on abreuve notre foie de mauvaise bière. Et on bouffe n'importe quoi, n'importe quand. Il est probable que, pour rester jeune, Jagger ait cessé de boire et adopté une alimentation diététique, quadrature du cercle dont Madonna, née en 1958, est aujourd'hui la meilleure (ou la pire) représentante : corps parfait, musclé, forme olympique, pas une ride ; mais à quel prix se conserve-t-elle ainsi ?  Au prix d'une discipline totalement a contrario des pratiques de la jeunesse réelle. L'idée de la jeunesse sans sa réalité, chaotique et peu économe. La Ciccone ne fait plus la fête, se couche tôt, se ceinture. Non seulement son comportement ne rend pas justice à la jeunesse, mais il en est la négation factuelle.
Le problème n'est donc pas de vouloir rester jeune, en pleine santé, de disposer d'un corps mobile et peu entravé. Qui nierait qu'il vaille mieux être bien portant et jeune que malade et grabataire ? Dira-t-on que les seniors, ces jeunes d'entre les vieux, se ridiculisent à maintenir leur activité sexuelle grâce au Viagra ? Qui se souhaite une retraite abstinente ? Le problème, c'est que ces efforts pour ne pas vieillir impliquent la révocation de ce que nous avons appelé l'ethos jeune. Du sport à tous crins, passe encore - quoique le jeune pratique moins le sport pour s'entretenir que pour le fun, le plaisir de bouger, de jouer, et l'intensité érotique de la compétition (les ados s'adonnent beaucoup moins à l'aquagym qu'au basket, quoi qu'on dise). Mais une alimentation saine ? Mais une absence totale d'excès ? Ni hamburger, ni shit, ni shoots de vodka : une vie à se pendre, une vie à suivre le programme d'entraînement cérébral du Dr Kawashima sur Nintendo DS*.

François Bégaudeau et Joy Sorman, Parce que ça nous plaît - L'invention de la jeunesse, 2013

Document 4 :

Il sentit que le temps était venu, cette fois, de faire son choix. Son choix n’avait-il été déjà fait ? Oui, la vie avait décidé pour lui... la vie, et aussi l’âpre curiosité qu’il en avait... L’éternelle jeunesse, l’infinie passion, les plaisirs subtils et secrets, les joies ardentes et les péchés plus ardents encore, toutes ces choses il devait les connaître. Le portrait assumerait le poids de sa honte, voilà tout !...
Une sensation de douleur le poignit en pensant à la désagrégation que subirait sa belle face peinte sur la toile. Une fois, moquerie gamine de Narcisse, il avait baisé, ou feint de baiser ces lèvres peintes, qui, maintenant, lui souriaient si cruellement. Des jours et des jours, il s’était assis devant son portrait, s’émerveillant de sa beauté, presque énamouré d’elle comme il lui sembla maintes fois... Devait-elle s’altérer, à présent, à chaque péché auquel il céderait ? Cela deviendrait-il un monstrueux et dégoûtant objet à cacher dans quelque chambre cadenassée, loin de la lumière du soleil qui avait si souvent léché l’or éclatant de sa chevelure ondée ? Quelle dérision sans mesure !
Un instant, il songea à prier pour que cessât l’horrible sympathie existant entre lui et le portrait. Une prière l’avait faite ; peut-être une prière la pouvait-elle détruire ?...
Cependant, qui, connaissant la vie, hésiterait pour garder la chance de rester toujours jeune, quelque fantastique que cette chance pût paraître, à tenter les conséquences que ce choix pouvait entraîner ?... D’ailleurs cela dépendait-il de sa volonté ?...
Était-ce vraiment la prière qui avait produit cette substitution ? Quelque raison scientifique ne pouvait-elle l’expliquer ? Si la pensée pouvait exercer une influence sur un organisme vivant, cette influence ne pouvait-elle s’exercer sur les choses mortes ou inorganiques ? Ne pouvaient-elles, les choses extérieures à nous-mêmes, sans pensée ou désir conscients, vibrer à l’unisson de nos humeurs ou de nos passions, l’atome appelant l’atome dans un amour secret ou une étrange affinité. Mais la raison était sans importance. Il ne tenterait plus par la prière un si terrible pouvoir. Si la peinture devait s’altérer, rien ne pouvait l’empêcher. C’était clair. Pourquoi approfondir cela ? Car il y aurait un véritable plaisir à guetter ce changement ? Il pourrait suivre son esprit dans ses pensées secrètes ; ce portrait lui serait le plus magique des miroirs. Comme il lui avait révélé son propre corps, il lui révélerait sa propre âme. Et quand l’hiver de la vie viendrait, sur le portrait, lui, resterait sur la lisière frissonnante du printemps et de l’été. Quand le sang lui viendrait à la face, laissant derrière un masque pallide de craie aux yeux plombés, il garderait la splendeur de l’adolescence. Aucune floraison de sa jeunesse ne se flétrirait ; le pouls de sa vie ne s’affaiblirait point. Comme les dieux de la Grèce, il serait fort, et léger et joyeux. Que pouvait lui faire ce qui arriverait à l’image peinte sur la toile ? Il serait sauf : tout était là !...

Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, 1890, fr.wikisource.org


2) Ecriture personnelle :

Pour rester jeune, faut-il lutter contre le vieillissement naturel du corps ?  


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