vendredi 4 mars 2011

sujet de BTS sur le rire :

I) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants consacrés au rire satirique.

II) Sujet d’écriture personnelle : Pensez-vous que le rire qui dénonce est toujours justifié ?

Document 1 :

Molière, Préface du Tartuffe, 1664.

Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit, qui a été longtemps persécutée; et les gens qu'elle joue (1) ont bien fait voir qu'ils étaient plus puissants en France que tous ceux que j'ai joués jusques ici. Les marquis, les précieuses, les cocus et les médecins ont souffert doucement qu'on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se divertir, avec tout le monde, des peintures que l'on a faites d'eux; mais les hypocrites n'ont point entendu raillerie; ils se sont effarouchés d'abord, et ont trouvé étrange que j'eusse la hardiesse de jouer leurs grimaces et de vouloir décrier un métier (2) dont tant d'honnêtes gens se mêlent. C'est un crime qu'ils ne sauraient pardonner; et ils se sont tous armés contre ma comédie avec une fureur épouvantable. Ils n'ont eu garde de l'attaquer par le côté qui les a blessés: ils sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme. Suivant leur louable coutume, ils ont couvert leurs intérêts de la cause de Dieu; et Le Tartuffe, dans leur bouche, est une pièce qui offense la piété. Elle est, d'un bout à l'autre, pleine d'abominations, et l'on n'y trouve rien qui ne mérite le feu. Toutes les syllabes en sont impies; les gestes même y sont criminels; et le moindre coup d'œil, le moindre branlement de tête, le moindre pas à droite ou à gauche y cache des mystères qu'ils trouvent moyen d'expliquer à mon désavantage. J'ai eu beau la soumettre aux lumières de mes amis, et à la censure de tout le monde, les corrections que j'y ai pu faire, le jugement du roi et de la reine, qui l'ont vue, l'approbation des grands princes et de messieurs les ministres, qui l'ont honorée publiquement de leur présence, le témoignage des gens de bien, qui l'ont trouvée profitable, tout cela n'a de rien servi. Ils n'en veulent point démordre; et, tous les jours encore, ils font crier en public des zélés indiscrets, qui me disent des injures pieusement, et me damnent par charité.(…)

Si l'on prend la peine d'examiner de bonne foi ma comédie, on verra sans doute que mes intentions y sont partout innocentes, et qu'elle ne tend nullement à jouer (3) les choses que l'on doit révérer; que je l'ai traitée avec toutes les précautions que me demandait la délicatesse de la matière et que j'ai mis tout l'art et tous les soins qu'il m'a été possible pour bien distinguer le personnage de l'hypocrite d'avec celui du vrai dévot. J'ai employé pour cela deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat. Il ne tient pas un seul moment l'auditeur en balance; on le connaît d'abord aux marques que je lui donne; et, d'un bout à l'autre, il ne dit pas un mot, il ne fait pas une action, qui ne peigne aux spectateurs le caractère d'un méchant homme, et ne fasse éclater celui du véritable homme de bien que je lui oppose.

Je sais bien que, pour réponse, ces messieurs tâchent d'insinuer que ce n'est point au théâtre à parler de ces matières; mais je leur demande, avec leur permission, sur quoi ils fondent cette belle maxime. (…)

Si l'emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes, je ne vois pas par quelle raison il y en aura de privilégiés. Celui-ci est, dans l'État, d'une conséquence (4) bien plus dangereuse que tous les autres; et nous avons vu que le théâtre a une grande vertu pour la correction. Les plus beaux traits d'une sérieuse morale sont moins puissants, le plus souvent, que ceux de la satire; et rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts. C'est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des répréhensions (5); mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien être méchant, mais on ne veut point être ridicule.

1. Il s’agit des faux dévots, individus qui manifestent une piété exagérée et hypocrite.

2. Attaquer la réputation de la fausse dévotion.

3. Tourner en ridicule.

4. D’une importance, d’une gravité.

5. Blâmes.

Document 2 :

Claude Imbert, « Le temps de la dérision », Le Point.

Ne riez pas, le rire mérite un peu de sérieux : celui de sa signification sociale. Parce qu'il ouvre une voie naturelle et efficace pour la formation des consensus sociaux, il devient un marqueur privilégié de l'air du temps.

Sans sombrer dans les définitions mouvantes de quelques agents du rire collectif - ironie, satire, humour («Vouloir le définir, c'est prendre le risque d'en manquer ») -, nous voyons qu'en un demi-siècle la tonalité générale du rire a changé. Le rire convivial, cordial, chaleureux, le rire d'accueil s'est refroidi. Parmi toutes sortes de rires, le rire d'exclusion, de dénonciation prend le dessus. On ne rit pas moins, mais on ricane plus. Voyez, ces jours-ci, l'affaire Guillon. Cet amuseur matinal de France-Inter jette à grandes brassées Strauss-Kahn, Sarkozy et une flopée de ministres dans son baquet d'acide. Ils gémissent, mais l'Audimat auréole Guillon. La dérision souveraine emplit de son fiel la satire politique. Ce n'est pas nouveau. Mais de nos jours la médiatisation amplifie son empire. Le rire a ses bas-fonds : la dérision y règne.

Dans son registre critique, lorsqu'il châtie les mœurs, une des fonctions du rire est de faire éclater la chape de comédie dont chacun, par conventions sociales, s'enveloppe. Dans notre époque où se trame la grande sape d'un ordre ancien, le rire est bon soldat de cette démolition.

Il prend pour cible les grandes institutions, pouvoirs et hiérarchies. Mais aussi, de nos jours, les sentiments, rites ou vestiges de la tradition. La dérision moderne s'acharne à débusquer, sous la défroque sociale, la chiennerie et le « rien » de chaque homme. La maladie et la mort elles-mêmes subissent ses outrages. Bergson pensait que le rire exigeait une « anesthésie momentanée du cœur ». La dérision, en tout cas, ne se prive pas de passer au Karcher des sentiments réputés respectables.

Sur une chaîne privée, on peut voir un pitre solennel mettre en scène des vieillards déglingués et jusqu'à des cadavres pour ébaubir un public que rien n'écœure. L'éventail des amuseurs est, il faut dire, très large. D'un côté, les plaisants sans bassesse, tel le patriarcal Bouvard, les Guignols de Canal +, Canteloup ou Gerra, le charmeur Amadou, et j'en passe... Et puis, sur l'autre bord, les comiques de fosse d'aisance, les acharnés du pilori. Ce qu'on retiendra, c'est qu'avec les seconds le cruel et l'obscène gagnent du terrain.

Notez que la dérision, dans son élan, ne se prive pas de l'autodérision. On s'excuse de l'incongruité d'un mot d'esprit - espèce raréfiée - si par hasard il s'en échappe. La publicité elle-même renonce souvent à marteler son message. Elle abuse du non-sens comme pour démystifier son propre pouvoir mystificateur. Ainsi la campagne, jadis, d'un autocollant ( « Regardez, il n'y a rien à voir »)...

Il résulte de cette grande lessive un mépris désabusé, une frivolité pincée sur l'inconsistance de tout. Dans les arts, avec le dadaïsme, avec le pop art, avec ces pantins fluo de Jeff Koons installés dans les pastels du palais de Versailles, l'incongru fait son cinéma ! De même avec la mode antimode de la nippe et de la fripe. Dérisions de tout !

Dans la satire, l'agressivité devient un composé obligé du spectacle. Sur les plateaux de télévision, combien de combats de coqs pour que des acteurs corrosifs se volent dans les plumes ? La moquerie cède à la raillerie quand ce n'est pas au sarcasme : il faut à tout prix « chambrer ». D'où ce tout-à-l'égout de vannes en tout genre. L'humour de dérision va, sans surprise, de pair avec le déclin de l'admiration. M. de Lapalisse, grand humoriste, concluait qu'à force de ne rien prendre au sérieux on prend au sérieux le rien... Nous y sommes !

L'ennui, c'est que nos humoristes de « bonne mauvaise humeur » s'arrogent, sans humour, la prétention à dire le bien et le mal. A la télé, l'autre jour, chez l'excellent Yves Calvi, nos écorcheurs, sérieux comme des papes, affichaient leur immunité pour répondre aux écorchés plaintifs victimes de leur « méchanceté ». Les écorcheurs avaient le beau rôle : la méchanceté ne connaît pas de frontières. L'air du temps les déplace à sa guise, et le temps n'est pas à la bonté.

Nos féroces bouffons se voyaient assez bien en justiciers, en vertueux serviteurs de la vérité. Au nom d'un humour affranchi de toute décence, ils manient en fait et, sans le dire, l'éditorial de combat. Il est vrai que leurs victimes, avides de notoriété, s'offrent elles-mêmes, en mannequins de foire, à leur pilonnage et associent leurs rires (jaunes) au rire mécanique-voire préenregistré-du public.

La période précédant 1789 a connu, dans une grêle de libelles enragés, semblable débauche d'insultes, mais elle était réservée à des lettrés. Radio et télévision ont démocratisé leur pratique. La démocratie ne s'en trouve ni grandie ni menacée. Mais, ici et là, insidieusement avilie.

Fiel : Animosité plus ou moins sourde, haine contre quelqu'un ou quelque chose.

Editorial : Article de journal émanant de la direction.

Pop art : Tendance artistique contemporaine s'inspirant d'objets de la vie quotidienne.

Libelles : Petits livres.

Document 3 :

Bergson, Le Rire, 1900.

Le rire est, avant tout, une correction. Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est l’objet une impression pénible. La société se venge par lui des libertés qu’on a prises avec elle. Il n’atteindrait pas son but s’il portait la marque de la sympathie et de la bonté.

Dira-t-on que l’intention au moins peut être bonne, que souvent on châtie parce qu’on aime, et que le rire, en réprimant les manifestations extérieures de certains défauts, nous invite ainsi, pour notre plus grand bien, à corriger ces défauts eux-mêmes et à nous améliorer intérieurement ?

Il y aurait beaucoup à dire sur ce point. En général et en gros, le rire exerce sans doute une fonction utile. Toutes nos analyses tendaient d’ailleurs à le démontrer. Mais il ne suit pas de là que le rire frappe toujours juste, ni qu’il s’inspire d’une pensée de bienveillance ou même d’équité.

Pour frapper toujours juste, il faudrait qu’il procédât d’un acte de réflexion. Or le rire est simplement l’effet d’un mécanisme monté en nous par la nature, ou, ce qui revient à peu près au même, par une très longue habitude de la vie sociale. Il part tout seul, véritable riposte du tac au tac. Il n’a pas le loisir de regarder chaque fois où il touche. Le rire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès, frappant des innocents, épargnant des coupables, visant à un résultat général et ne pouvant faire à chaque cas individuel l’honneur de l’examiner séparément. Il en est ainsi de tout ce qui s’accomplit par des voies naturelles au lieu de se faire par réflexion consciente. Une moyenne de justice pourra apparaître dans le résultat d’ensemble, mais non pas dans le détail des cas particuliers.

En ce sens, le rire ne peut pas être absolument juste. Répétons qu’il ne doit pas non plus être bon. Il a pour fonction d’intimider en humiliant. Il n’y réussirait pas si la nature n’avait laissé à cet effet, dans les meilleurs d’entre les hommes, un petit fonds de méchanceté, ou tout au moins de malice. Peut-être vaudra-t-il mieux que nous n’approfondissions pas trop ce point. Nous n’y trouverions rien de très flatteur pour nous. Nous verrions que le mouvement de détente ou d’expansion n’est qu’un prélude au rire, que le rieur rentre tout de suite en soi, s’affirme plus ou moins orgueilleusement lui-même, et tendrait à considérer la personne d’autrui comme une marionnette dont il tient les ficelles. Dans cette présomption (1) nous démêlerions d’ailleurs bien vite un peu d’égoïsme, et, derrière l’égoïsme lui-même, quelque chose de moins spontané et de plus amer, je ne sais quel pessimisme naissant qui s’affirme de plus en plus à mesure que le rieur raisonne davantage son rire.

1. Opinion trop avantageuse de soi-même.

Document 4 :

Charlie Chaplin, Le Dictateur, 1940.


1 commentaire:

  1. Bonjour, auriez vous un corrigé pour comparer avec mOn écriture personnelle, en vue de me perfectionner pour mon examen. Merci. Email: nonovonelsace@hotmail.com

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