mardi 19 novembre 2013

Cette part de rêve : corrigé d'écriture personnelle

Serait-il souhaitable de vivre sans rêves ? 

Il y a quelques années, mon grand-père m'a raconté une histoire. Son oncle avait un rêve : celui de la richesse. Tous les jours il allait à l'hippodrome dans l'espoir de revenir le soir riche et d'avoir la vie qu'il a tant désirée. Ce rêve n'a jamais pu se réaliser et, à la fin de sa vie, en tirant le bilan de ses paris, il dit : " En économisant tout l'argent que j'ai depensé sur les champs de courses, j'aurais pu m'acheter une belle maison dans le sud et en faire profiter ma famille. " Nous pouvons donc nous demander s'il serait souhaitable de vivre sans rêves. Pour répondre à cette problématique, nous définirons dans un premier temps les notions clefs du sujet, nous travaillerons ensuite sur le lien rêve/réalité à travers la notion de plaisir, nous observerons par la suite les valeurs sociale et morale que le rêve peut avoir, avant d'exposer les conséquences d'une vie sans rêves.
Le mot "rêve" a deux sens principaux. D'une part il désigne les images et les pensées du sommeil, d'autre part il signifie rêverie ou aspiration. Il nous semble que nous devons nous concentrer sur le deuxième sens pour répondre à la question. En effet, le rêve du sommeil est en général aussitôt oublié et il n'a guère d'effet connu sur notre vie. Nous nous intéresserons donc au rêve éveillé. Il nous faut ensuite nous demander ce qui est souhaitable. En général, est souhaitable ce qui est bon. Une chose bonne peut l'être soit pour le plaisir qu'on en tire, soit pour sa valeur morale, soit pour son intérêt social. Nous nous demanderons donc si le rêve éveillé procure du plaisir, puis s'il s'accorde avec la morale, et enfin s'il est utile à la société. En effet, si le rêve est déplaisant, immoral et nuisible à la collectivité, alors il va de soi qu'on préférerait s'en passer. Au contraire, s'il n'est ni désagréable ni nuisible, on ne doit pas souhaiter s'en priver.
A première vue, il semble que le rêve éveillé donne du plaisir. Si je rêve d'être riche, par exemple, ou de vivre un grand amour, je me représente une possibilité agréable, je me figure quelque chose qui me paraît merveilleux. Je me complais à m'imaginer riche ou aimé. Cependant, si mon rêve ne correspond pas à mes possibilités, je serai amené à déplorer mon état réel et à éprouver une frustration plus ou moins douloureuse. On le voit dans Mme Bovary ainsi que dans Les Choses. Emma nourrit un rêve d'amour qui est une image stéréotypée, elle aspire à ressembler aux héroïnes de romans, au lieu de rêver l'accomplissement d'une disposition réelle. Si j'ai ce qu'il faut pour aimer, pour créer de la richesse, il est bon que j'en rêve. Mais si, comme les héros des Choses, je me figure ce que je désire posséder, sans me donner les moyens de me le procurer, alors je connaîtrai l'insatisfaction. Le problème d'Emma est que son rêve est l'imitation de ses lectures. De même, Sylvie et Jérôme ont des rêves qui ne sont que le reflet des magazines. Ces personnages ne rêvent pas de mener à son apogée une disposition personnelle, que ce soit celle de gagner de l'argent ou celle d'aimer. Sylvie et Jérôme finissent par se résoudre à travailler pour s'enrichir mais, c'est trop tard, ils ont perdu leurs rêves. Emma, elle, manque de chance et de patience dans ses expériences amoureuses. La réalité semble un moment ressembler à son rêve puis elle n'y correspond plus. Peut-être faut-il pour que le rêve aspiration donne de la satisfaction accepter de l'adapter un peu à la réalité quand on ne parvient pas à faire l'inverse. Au fond, c'est l'incompatibilité rêve réalité qui fait du tort. Don Quichotte, lui, par exemple, n'est pas insatisfait, car il adapte complètement la réalité à son rêve par le délire. Donc il est satisfaisant de rêver, à la condition que rêve et réalité s'ajustent l'un à l'autre.
Mais est-il bon de le faire, d'un point de vue moral ? Rêver en soi n'est qu'une pensée, une imagination, et ne peut donc être immoral si l'on borne la moralité aux actes. Mais si le rêve engendre l'action alors il faut qu'il se tienne dans les limites d'une morale pour être bon. Le rêve de Hitler, par exemple, d'une Allemagne supérieure aux autres nations et débarrassée des Juifs, est une aspiration que l'on souhaiterait supprimer. Cet exemple peut servir aussi à illustrer le caractère nuisible de certains rêves sur le plan social. Pour ce qui est de la moralité et de la valeur politique du rêve, on peut penser que ce n'est pas le fait de rêver en soi qui pose problème, c'est la teneur de l'aspiration qui détermine le caractère souhaitable ou non du rêve. Si le rêve criminel est à proscrire, c'est parce qu'il est un crime au moins en intention, et non parce qu'il est un rêve. Ainsi, il serait absurde de supprimer le rêve puisque ce n'est pas lui, c'est la méchanceté qui est en cause.
Pour finir, il serait intéressant d'examiner ce que pourrait être une vie sans rêves. Apporterait-elle à l'homme plus d'avantages qu'une existence peuplée de rêves ? Dans la littérature, un homme, Meursault, semble témoigner de ce genre de vie. Il n'imagine pas de vie idéale, il ne se promet aucune satisfaction à venir, il ne se figure pas ailleurs, plus fortuné, amoureux et aimé. Sa vie en est-elle plus enviable ? Apparemment, non, c'est une routine, le travail, le déjeuner chez Céleste, à peu près toujours les mêmes visages, les mêmes lieux, le dimanche chez soi, où l'on regarde par la fenêtre passer les gens. Qui échangerait son existence contre la sienne ? C'est la vie a minima, la plus limitée qui soit. Si l'on considère maintenant ce que serait l'absence de rêve pour l'humanité, et non plus seulement pour l'individu, on voit tout de suite que les Gandhi, les Martin Luther King, les Christophe Colomb, les apôtres et combattants d'un monde meilleur, tous disparaîtraient. Ce serait sans doute une perte regrettable.
Si le rêve éveillé était plus nuisible que bénéfique, alors il serait souhaitable de ne pas rêver. Mais nous avons vu qu'il apporte du plaisir. Il est toujours agréable d'imaginer ce à quoi on aspire. Pour que le plaisir ne soit pas suivi de déception, il faut avoir un rêve dont la réalisation, au moins partielle, est à notre portée. Nous avons vu également que rêver ne peut causer de tort aux autres. Ce sont les actes qui découlent de notre aspiration qui peuvent être mauvais. Il faut donc y veiller. Mais ce n'est pas l'aspiration elle-même qui peut nuire à autrui. Enfin, il nous a semblé que la vie d'un individu, comme l'histoire des hommes, serait appauvrie sans le rêve éveillé. Puisque les bénéfices du rêve paraissent plus répandus que ses dérives, nous pensons qu'il n'est pas souhaitable de le rejeter. 

(L'introduction est de Clément Bonato BAT1) 

5 commentaires:

  1. Vraiment très intéressant ! Je passe mon BTS de français demain je peut tomber soit sur le rêve ou la révolution numérique. Cette note sur le rêve me sera très profitable ! Merci !

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  2. merci très bonne réflexion!!! ca m'aide aussi pour mon futur exam

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  3. Très intéressant !

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