samedi 15 septembre 2018

Corps naturel, corps artificiel : Corrigé rédigé de la synthèse n°1


Le sujet se trouve ici.

« L’homme, dit Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, est fait pour être dépassé. » Depuis sa dissociation d’avec le genre Pan (chimpanzés) il y aurait environ six millions d’années, la lignée humaine (Homo) n’a cessé d’évoluer et de se dépasser. Devenant exclusivement bipède, voyant sa taille augmenter, se mettant à consommer de la viande, fabriquant des outils, au fil du temps, l’homme s’éloigne de son origine. Certains, aujourd’hui, qu’on appelle transhumanistes, pensent que l’homme actuel va connaître dans le futur une transformation décisive. On peut se demander si ce dépassement, cet avènement d’une sorte de surhomme nietzschéen est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Le présent corpus réunissant Fukuyama, Ferry, Le Dévédec, Guis et Houellebecq apporte une réponse à cette question. Dans un premier temps, il nous permettra de définir le transhumanisme et, par la suite, il nous révélera les craintes et les espoirs attachés à ce courant de pensée.

Les transhumanistes sont les partisans d’une transmutation de l’homme grâce à la technologie. Cette transformation radicale doit amener le remplacement de l’homme naturel par un homme amélioré. Le texte de Houellebecq évoque un surpassement de l’espèce humaine qui laisserait la place à une nouvelle race. Selon Fukuyama, les transhumanistes souhaitent que l’espèce humaine devienne maîtresse de son évolution au lieu de subir le hasard génétique et l’influence du milieu. On croirait, nous dit cet auteur, avoir affaire à une frange d’intellectuels minoritaires. Mais, selon Luc Ferry, ce courant de pensée est très développé en Amérique du Nord où, massivement subventionné par Google, il fait l’objet d’un très grand nombre de travaux et d’échanges d’universitaires et de philosophes. Pour les transhumanistes, dit le document 1, l’homme nouveau possédera des aptitudes physiques et mentales bien supérieures. Mais il jouira aussi d’une longévité accrue jusqu’à atteindre peut-être l’immortalité. En outre, selon le philosophe David Pearce que cite le document 1, grâce aux psychotropes il connaîtra un bonheur constant. L’utopie futuriste de Houellebecq le confirme, en donnant la parole à des transhumains heureux qui ont rompu avec les défauts de l’humanité et qui semblent aux yeux des derniers hommes baigner dans une béatitude édénique. Les moyens de cette transformation de l’humanité en transhumanité seront, d’après Fukuyama et Ferry, ceux de la technologie et, en particulier, de la biotechnologie et de la médecine, de la cybernétique et de l’intelligence artificielle. Certains de ces moyens sont d’ailleurs plus ou moins ébauchés, nous disent Fukuyama ainsi que Le Dévédec et Guis, en médecine avec les dépistages génétiques, les psychotropes, ou dans le domaine de la défense avec les exosquelettes.

Une fois le transhumanisme défini il faut se demander s’il doit susciter l’adhésion ou le rejet. Les auteurs nous apportent des réponses divergentes à cette question. Les uns, tels que Fukuyama, sont très critiques à ce sujet. Cet auteur pense, en effet, que le transhumanisme comporte deux dangers majeurs. Tout d’abord, il ouvre une brèche qui pourrait devenir béante dans le principe de l’égalité qui est, dit-il, au centre du libéralisme et qu’une longue lutte a permis finalement d’établir dans nos sociétés. Le transhumanisme menace selon lui l’égalité de deux façons : d’une part en instaurant une inégalité de fait entre humains et humains améliorés, d’autre part en aggravant l’inégalité entre les pays riches capables d’accéder au transhumanisme et les pauvres. De plus, la supériorité des transhumains poserait un problème de droit dans la mesure où ils pourraient revendiquer des droits supérieurs à ceux des humains. Fukuyama fait un deuxième reproche au transhumanisme : les transhumanistes, dit-il, prétendent aboutir à un être meilleur que l’homme actuel. Mais, objecte-t-il, la conception d’un homme meilleur est hautement problématique car les caractéristiques les plus souhaitables sont sujettes à discussion. Ferry, lui, ne s’oppose pas au transhumanisme. A la différence de Fukuyama, il y voit un remède à certaines inégalités, celles de la nature évidemment. Il cite la devise du transhumanisme qui veut remplacer le hasard par le choix. Pour Ferry, ce mouvement prend racine dans le développement de la liberté humaine depuis la fin du XVIIIe, il découle de l’idée de progrès. D’ailleurs, selon le document 1, les transhumanistes, eux-mêmes, pensent que le transhumanisme n’est que la phase ultime d’un mouvement qui a débuté au commencement de notre espèce, un effort continu de dépassement et de progrès. L’un des arguments majeurs en faveur du transhumanisme est donné à la fois par Fukuyama et par Houellebecq. Il s’agit de la misère de la condition humaine frappée par la mort, la maladie, mais également avilie par la violence, la méchanceté et la dureté.

On voit donc que l’avènement d’un homme supérieur, même s’il n’est pas pour tout de suite, est pris très au sérieux et qu’il suscite certaines controverses. Il semble, en effet, à travers ce corpus, que les progrès de la biogénétique, de la médecine et de toutes les techniques permettant d’hybrider plus ou moins l’homme et la machine rendent probable, sinon inévitable, une mutation volontaire de notre espèce. Il faut peser les mises en garde de Fukuyama qui donnent beaucoup à réfléchir mais également les arguments plus ou moins optimistes en faveur d’un dépassement de l’humain.

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