1.
Synthèse : Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée
des documents suivants.
2.
Ecriture personnelle : Pensez-vous que les nouvelles technologies de
la communication appauvrissent la conversation ?
Document
1 :
Depuis
le règne de Louis XIV, toute la bonne compagnie du continent,
l'Espagne et l'Italie exceptées, a mis son amour-propre dans
l'imitation des Français. En Angleterre, il existe un objet constant
de conversation, les intérêts politiques, qui sont les intérêts
de chacun et de tous ; dans le Midi il n'y a point de société : le
soleil, l'amour et les beaux-arts remplissent la vie. A Paris, on
s'entretient assez généralement de littérature; et les spectacles,
qui se renouvellent sans cesse, donnent lieu à des observations
ingénieuses et spirituelles. Mais dans la plupart des autres grandes
villes, le seul sujet dont on ait l'occasion de parler, ce sont des
anecdotes et des observations journalières sur les personnes dont la
bonne compagnie se compose. C'est un commérage ennobli par les
grands noms qu'on prononce, mais qui a pourtant le même fond que
celui des gens du peuple ; car, à l'élégance des formes près,
ils parlent également tout le jour sur leurs voisins et sur leurs
voisines. L'objet vraiment libéral de la conversation, ce sont les
idées et les faits d'un intérêt universel. La médisance
habituelle, dont le loisir des salons et la stérilité de l'esprit
font une espèce de nécessité, peut être plus ou moins modifiée
par la bonté du caractère ; mais il en reste toujours assez pour
qu'à chaque pas, à chaque mot, on entende autour de soi le
bourdonnement des petits propos qui pourraient, comme les mouches,
inquiéter même le lion. En France, on se sert de la terrible arme
du ridicule pour se combattre mutuellement, et conquérir le terrain
sur lequel on espère des succès d'amour-propre ; ailleurs un
certain bavardage indolent use l'esprit, et décourage des efforts
énergiques, dans quelque genre que ce puisse être.
Un
entretien aimable, alors même qu'il porte sur des riens, et que la
grâce seule des expressions en fait le charme, cause encore beaucoup
de plaisir ; on peut l'affirmer sans impertinence, les Français sont
presque seuls capables de ce genre d'entretien. C'est un exercice
dangereux, mais piquant, dans lequel il faut se jouer de tous les
sujets, comme d'une balle lancée qui doit revenir à temps dans la
main du joueur. Les étrangers, quand ils veulent imiter les
Français, affectent plus d'immoralité, et sont plus frivoles
qu'eux, de peur que le sérieux ne manque de grâce, et que les
sentiments ou les pensées n'aient pas l'accent parisien. (...) Les
Français ont fait peur à l'Europe, mais surtout à l'Allemagne, par
leur habileté dans l'art de saisir et de montrer le ridicule : il y
avait je ne sais quelle puissance magique dans le mot d'élégance et
de grâce, qui irritait singulièrement l'amour-propre. On dirait que
les sentiments, les actions, la vie enfin, devaient, avant tout, être
soumis à cette législation très-subtile de l'usage du monde, qui
est comme un traité entre l'amour-propre des individus et celui de
la société même, un traité dans lequel les vanités respectives
se sont fait une constitution républicaine, où l'ostracisme
s'exerce contre tout ce qui est fort et prononcé. Ces formes, ces
convenances, légères en apparence, et despotiques dans le fond,
disposent de l'existence entière; elles ont miné par degrés
l'amour, l'enthousiasme, la religion, tout, hors l'égoïsme, que
l'ironie ne peut atteindre, parce qu'il ne s'expose qu'au blâme et
non à la moquerie.
Mme
de Staël, De l'Allemagne, ch.IX, 1813.
Document
2 :
Le
Point : Pourquoi les hommes conversent-ils ?
Chantal
Thomas : Socrate a fondé sa philosophie sur le dialogue avec
l'autre... La conversation est très importante pour le sentiment
joyeux de soi, mais aussi pour la cohésion sociale. Il faut voir
l'importance, en Espagne, au Maroc, en France pour ne citer qu'eux,
de la place du village et du rituel, l'été, à la tombée de la
chaleur, qui consiste à se retrouver pour parler ensemble. Une des
grandes solitudes des villes est ce métro où la réunion et la
contiguïté n'aboutissent pas à la parole, sauf cas très rares.
C'est l'inverse de cette conversation qui s'aligne sur la course du
soleil.
Dans
votre dernier livre, "l'esprit" de conversation se promène
sur trois siècles, et dans trois salons. Pourquoi ceux-là et
pourquoi les saluer aujourd'hui ?
J'ai
choisi trois femmes, comme trois explorations possibles de nous-mêmes
en état de conversation, pour le plaisir toujours vibrant qu'il peut
nous apporter. La marquise de Rambouillet tient au XVIIe un salon
très raffiné, où le jeu de la sociabilité s'apparente à un
spectacle pour soi. Sa chambre bleue est du côté de la féerie, du
merveilleux, c'est un lieu absolument romanesque où l'on se donne
les noms des personnages de romans de Mlle de Scudéry, et vice versa
puisque celle-ci s'inspirait du salon pour inventer ses dialogues
dans une sorte de circularité. Ce qui caractérise ce salon est une
idée à laquelle je crois profondément : agir sur la manière dont
on s'adresse à l'autre change les moeurs, à long terme. À l'époque
des précieuses, cet enchantement du langage pour lui-même,
tellement caricaturé, se pose à l'inverse de la brutalité et du
passage à l'acte. Les relations se situent entre amour et amitié.
Or ce registre de sentiment, qui n'est pas nettement répertorié,
est essentiel dans le goût de sa propre existence et dans la manière
dont se tisse un fil d'amitiés dans une toile subtile. Il est
souvent invisible dans une biographie qui ne retient que les dates
fortes. Pourtant, ce que l'on a échangé un jour avec quelqu'un peut
être déterminant dans une vie. La conversation est aussi un plaisir
clandestin.
Entre
les salons de Mme du Deffand et de Mme de Staël, la conversation va
prendre un tournant politique...
Le
salon de Mme du Deffand est encore très orienté vers la vie
littéraire, c'est une antichambre de l'Académie française, un lieu
d'intrigues en partie. Il n'est pas ouvert sur le projet d'un
changement de société, mais brille par son intelligence critique,
son ton voltairien, ce sens génial du désespoir et de l'ironie. Mme
de Staël, qui a fait son apprentissage dans le salon de sa propre
mère, va trouver sa propre voix (ou voie), marquée par une
conscience politique aiguë. Le choc du passage de la révolution à
la Terreur, puis à la tyrannie de Napoléon, n'a cessé de la faire
souffrir, et réfléchir. Mme de Staël est quelqu'un qui prend
parti, comme dit d'elle Mme de Boigne : elle avait "une
conversation un peu forte". Prête à tout pour défendre son
opinion, elle trouvait aussi, pour que la prochaine séance ait lieu,
le moyen que tout se raccommode. Elle se place ainsi entre le savoir
de l'Ancien Régime et le risque de la brusquerie d'une nouvelle
époque. Pour elle, couper la parole, une des grandes fautes pointées
par l'art de la conversation, n'en est pas une. Dans De
l'Allemagne, elle écrit ainsi : "Le plaisir d'interrompre,
qui rend la discussion si animée en France et force à dire si vite
ce qu'il importe de faire entendre, ce plaisir ne peut exister en
Allemagne, car les commencements de phrase ne signifient rien sans la
fin. (...) Cela vaut mieux pour le fond des choses, c'est aussi plus
civil, mais moins piquant." Mme de Staël est une opiniâtre,
elle montre aussi de la désinvolture, de la séduction, elle est
celle dont le charme au présent s'est d'abord exercé par la parole.
(...)
Dans
quelle mesure la conversation est-elle menacée par les technologies
de notre époque ?
La
première cassure dans cet art oral, comme dans la tradition paysanne
des conteurs, a correspondu à l'intrusion de la parole imposée et
subie qu'est la télévision. Aujourd'hui, l'espace de la
conversation se voit menacé par ces pratiques d'écoute autistique,
où l'on est fermé sur la musique qui passe par les écouteurs, le
SMS qu'on envoie, où chacun est seul dans son obsession de
communication. Assez paradoxalement, et cela va peut-être de pair,
le champ des rencontres est parfaitement - et abstraitement - ouvert
sur l'Internet jusqu'à des lieux très lointains et sur un mode
instantané, alors que le salon restait un lieu clos... Il est
possible que l'ensemble de ces nouvelles techniques conduisent à
d'autres formes de conversation, un jeu entre écrit et parlé,
d'autres fantasmes...
Quelle
est l'importance d'être présent physiquement dans l'échange de
paroles ?
La
conversation est un espace érotique. Au sens fort du terme où l'on
offre son corps, quelque chose de son corps. Elle reste une valeur
importante, pas uniquement parce qu'elle exige l'attention à
l'autre, mais pour ce qu'elle implique de liberté dans notre rapport
au temps. Garder du temps, celui, justement, où un imprévisible de
la conversation peut survenir.
Chantal
Thomas, "La conversation est un espace érotique",
entretien avec Valérie
Marin La Meslée, Le
Point.
Document
3 :
À l'heure
de la révolution numérique, il paraît donc légitime d'interroger
plus profondément ce que les Anglo-saxons désignent du nom
de "small talk". Nos sociétés, tout entières vouées
à l'hyper-communication et au "trop plein" d'informations,
incarnent paradoxalement une culture du vide et de l'insignifiance.
Ainsi, la profusion de paroles contingentes et futiles qui
accompagne souvent ces "petites conversations"
s'apparente pour beaucoup d'observateurs à un langage expansif
et sans fin, incapable d'atteindre la profondeur des choses et des
êtres. (...)
Dans
le monde de l'authenticité perdue, le bavardage apparaît ainsi
comme une sorte de divertissement,
au sens pascalien
du terme, c'est-à-dire de détournement
du langage, de "remplissage" du silence ; réponse
médiocre et insatisfaisante de l'homme à son propre vide
existentiel : je bavarde parce que j'ai peur de penser.
Le
bavardage constitue donc de manière assez paradoxale une impuissance
à parler, une parole non assumée, sans identité et sans
transitivité, au détriment de la communication véritable.
L'exemple de certains forums de discussion sur Internet serait à ce
titre révélateur : condamné à vivre dans une virtualité d'autant
plus douloureuse qu'elle est anonyme, le chateur dévalue la parole
au rang de l'inauthentique, parce que ne parvenant pas à accéder au
discours. Comme nous le comprenons, avec le bavardage c'est le
rapport entre langue et parole qui n'est plus assuré. Alors qu'on
peut assimiler la parole à une force d'expression du sujet, le
bavardage implique en réalité un refus de dialoguer et de
communiquer. (...)
D'une
certaine façon, ces vains bavardages, inutiles et répétitifs,
dévalorisent et pervertissent bien souvent l'essence même du
langage, dans sa dimension d'expression et de transmission : ce n'est
pas en fait du langage qui circule mais une oralité qui n'assume
plus le pouvoir de la langue, plus proche du bavardage et soustraite
à la vraie parole humaine. De manière plus fondamentale, il
faudrait noter combien cette hypertrophie
communicationnelle est consubstantielle à la mort du
monde : parler pour parler, twitter pour rendre la vie plus
supportable, vouloir toujours plus d'amis sur Facebook, envoyer des
tonnes de SMS pour trouver une satisfaction dans le fait même
d'exister, n'est-ce pas désagréger la valeur de la parole et de
l'échange ?
Entre
héroïsme et nihilisme, le "parler pour parler" confond la
logorrhée, c'est-à-dire la surabondance de signes, et ce qui fait
sens : quelle est la valeur
d'un ami sur Facebook ? Quelle est la valeur
des échanges sur Internet ? En perdant de sa valeur symbolique, la
parole se transforme en marchandise, en perdant de leur valeur, les
mots perdent leur certitude et modifient le sens profond que les
hommes donnent à l'existence. Car cette désorientation est en fait
une perte du sens, qui est la question fondamentale à laquelle notre
modernité doit répondre.
Paradoxalement,
la survalorisation des flux de paroles comme fin en soi, qui imprègne
la culture post-moderne, a dépersonnalisé les rapports
humains. Comme nous le comprenons, l'un des dangers des nouvelles
technologies de l'hypercommunication est de faire dépendre les
contenus qu'elles véhiculent de leur propre nature, et donc que
l'échange ne se fasse plus par le langage, mais par la technologie
qui s'attribue par le moyen
des mots, un statut de fin.
L'avertissement de McLuhan est toujours d'actualité : "le
medium est le message" ; peu importe ce qui est échangé
puisque nous échangeons...
Bruno
Rigolt, "Du bavardage au clavardage",
http://brunorigolt.blog.lemonde.fr
Document
4 :
Ben, "Je ne bavarde pas"
Bonjour à tous! Je suis étudiant en BTS Apres vente automobile et la prof m'a donné ce sujet en devoir. Le corrigé existe il? merci d'avance
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