1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 :
Quand le cerveau rêvasse, il travaille vraiment...
Serait-ce
la réhabilitation de l’image du savant distrait et rêveur, dans
le plus pur style du professeur Tournesol ? Une équipe de
scientifiques canadiens vient de démontrer que l’état de rêverie
stimule significativement l’activité cérébrale, aidant ainsi à
la résolution de problèmes
complexes.
Plusieurs réseaux
cognitifs se partagent la tâche dans notre cerveau, selon qu’il
s’agisse d’accomplir des actes de routine, comme marcher, appuyer
sur un bouton… ou résoudre des problèmes plus complexes. Le
premier, qui peut être appelé « réseau par défaut »
car son activité est permanente à l’état d’éveil, est ainsi
secondé en cas de besoin par le « réseau exécutif ».
Ce dernier s’identifie
comme étant le cortex préfrontal moyen et forme le lobe frontal du
cerveau, situé en avant des régions prémotrices. De lui dépendent
les fonctions cognitives supérieures, comme le raisonnement, mais
aussi le langage et la mémoire. Jusqu’à présent, les
scientifiques pensaient que l’une ou l’autre de ces deux zones
était activée de préférence, en fonction de la nature de la tâche
accomplie.
L’équipe de
chercheurs, dirigée par Kalina Christoff, directrice du laboratoire
de sciences neurologiques de l'Université Bristish Columbia de
Vancouver, a examiné par IRMF (Imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle) le cerveau de plusieurs sujets, alors qu’ils
accomplissaient différents travaux ne relevant que de la routine
(comme appuyer sur une touche), ou rêvassaient. Les conclusions de
cette étude, inattendues, pourraient être la plus grande découverte
neuroscientifique de la décennie…
Si le « réseau par
défaut » reste relativement actif dans toutes les situations,
en revanche, le « réseau exécutif », correspondant aux
fonctions cognitives supérieures, s’active intensément lorsque le
sujet se met à rêvasser. Autrement dit, comme le démontre l’étude
publiée dans les Pnas, la rêverie stimule le cerveau et lui permet
de réfléchir plus. « Il s'agit d'une découverte
étonnante que de voir ces deux réseaux du cerveau activés en même
temps, commente Kalina Christoff. Jusqu'à présent,
les scientifiques pensaient que quand l’un fonctionnait l’autre
était en dormance ».
Cette étude démontre
que pour résoudre des problèmes complexes, il vaut mieux laisser
son esprit vagabonder plutôt que de s’acharner inutilement.
« Quand on rêve éveillé, on peut ne pas atteindre son
objectif immédiat (par exemple la lecture d'un livre ou suivre les
cours en classe) mais l'esprit prend le temps de régler des
questions plus importantes, comme la promotion de sa carrière ou ses
relations personnelles », conclut Kalina Christoff.
Jean Etienne, "Quand
le cerveau rêvasse", Futura-Sciences, 2009.
Document
2 :
Si je
prends le dictionnaire et que je consulte la définition du mot
“rêverie” je trouve ceci :
- nf. Pensées vagues
auxquelles se laisse aller l’imagination.
Il est clair que de nos
jours, avoir des pensées vagues, laisser voguer son imagination ne
sont pas des activités qui sont très appréciées, surtout dans les
entreprises. Et pourtant, à partir d’une rêverie, des déclics
peuvent se produire. Je dirais même que l’art de la rêverie est
important, si dans notre monde nous voulons rester sain d’esprit.
C’est en lisant un
livre de Jean-Jacques Rousseau que je me suis demandé si nous
accordions encore du temps à la rêverie. Ainsi, le philosophe né à
Genève et un peu parano, raconte qu’il passe quelques semaines
dans une petite île située sur le lac de Bienne en Suisse. Le temps
est beau et Rousseau aime à se promener en barque sur cette étendue
d’eau d’un calme exceptionnel. Même mieux, il adore se coucher
dans son embarcation, les yeux au ciel, se laissant aller au gré du
courant, en rêvant, tout simplement.
Oui, c’est bien du philosophe célébré pour Le contrat social et
ses Confessions dont je parle. Pas de quelqu’un qui passait son
temps à procrastiner et qui n’a pas fait grand chose de sa vie. Le
citoyen de Genève, que je soupçonne d’avoir été un scanneur
notoire nous donne au-delà du temps une belle leçon. Celle qu’il
est nécessaire d’aérer sa vie professionnelle par des plages de
repos complet. Tim Ferriss devrait être content.
Comme d’habitude,
prenons exemple sur les enfants. Ne sont-ils pas les rois de la
rêverie ? Ils ont une grande habilité à se créer des mondes
imaginaires riches et colorés. Pour ça d’ailleurs, pas besoin de
jouets coûteux ou de Nintendo. Seul l’imagination suffit. Si de
nos jours, nous empêchons les plus jeunes de rêver en leur offrant
trop d’activités pré-mâchées, il est certain que leur évolution
en subira les conséquences. Les métiers de l’avenir seront de
plus en plus tournés vers la création et s’ils n’ont pas
développé et habitué leur cerveau à imaginer des scénarios, des
options, des solutions possibles, certains d’entre eux risquent
d’être moins épanouis dans leur future vie professionnelle.
En fait, tout cela, nous
le savons bien car, un jour, il y a longtemps, nous étions nous
aussi des enfants. Fouillez un peu dans vos souvenirs et
remémorez-vous un de ces moments délicieux où, allongé quelque
part dans la nature, seul ou seule, vous vous sentiez bien, où tout
allait de soi, où tout était à sa place. Vous y êtes ?
Pour moi, c’était dans
un petit bosquet qui se trouvait à la campagne dans le Bugey, une
petite région de l’Ain, où en m’allongeant sur le dos, dans
l’herbe, je voyais devant moi la cime des arbres et derrière, le
ciel bleu, pur, où patrouillaient de petits nuages fragiles. Ce sont
ces derniers qui déclenchaient mon imaginaire. Que cachaient-ils ?
Où allaient-ils ? Combien étaient-ils ? Tout un scénario se
développait dans cette rêverie interrompue seulement par l’appel
de mes parents pour le dîner à la maison, là-bas.
Tentez maintenant de
retrouver ces sensations en vous allongeant sur la moquette, à côté
de votre bureau. Vous verrez la réaction de votre chef de service
qui viendra vous dire, en posant une main sur votre épaule : “Je
sais mon ami, je sais… [soupir] …la barque, le lac, Rousseau…
continuez votre rêverie. Elle est bénéfique pour notre chiffre
d’affaire.”
Et pourtant.
Des études scientifiques
l’ont prouvé à plusieurs reprises. C’est bien en offrant à ses
employés des plages libres où ils peuvent s’exprimer librement
qu’une entreprise bénéficie de leur créativité. Un système
comme celui de Google qui laisse à son personnel 20% de son temps de
travail pour se concentrer sur des projets de son choix en est un bel
exemple. On va me dire que Google avec ses moyens peut se permettre
cela. En fait, c’est le contraire qui est vrai. C’est parce
qu’ils ont autorisé ce système que les patrons de Google en
recueillent aujourd’hui les bénéfices. Environ 50% des
innovations de l’entreprise américaine viennent de ces projets
libres.
Mais comme il est
interdit de s’adonner à la rêverie au bureau, on le fait où l’on
peut, car c’est un besoin vital, et souvent c’est dans la
voiture, au milieu des embouteillages, là où l’on se sent
faussement isolé et protégé, qu’on se shoote secrètement à la
rêverie. Bien entendu, elle ne peut pas être de la qualité de
celle créée dans un décor naturel et finit souvent par tourner au
négatif, aux pires scénarios, aux angoisses, aux factures non
payées, à la peur du futur.
D’où l’importance de
faire des coupures. Partir, pour aller se régénérer seul(e) ou
avec son ou sa partenaire. Ne rien prévoir de compliqué. Pas de
rush touristique. Juste la paix, la nature et vous. Beau programme,
non ?
Regardez les animaux. Ils
prennent le temps de se relaxer. Observez un chat. Ne vous est-il
jamais arrivé d’envier son rythme de vie ? Dans leur état
naturel, les animaux ne sont pas stressés et vaquent tranquillement
à leurs occupations, se ménageant de longues plages d’immobilité,
les yeux dans le vague, contents.
L’homme, qui
fondamentalement est comme eux, devrait faire de même. Je sais que
j’insiste beaucoup sur ce point dans mes articles mais n’attendez
pas que quelqu’un vienne vous donner une autorisation pour le
faire. Prenez-la !
Choisissez
un coin de nature isolé et goûtez à cette solitude régénératrice.
Si ce n’est pas possible, isolez-vous chez vous, en écoutant de la
musique douce. Laissez aller vos pensées. La rêverie, ce n’est
pas comme la méditation où là, si j’ai tout compris, on fait le
vide. Non, le but de la rêverie c’est de laisser aller vos
pensées, de voir où elles vous conduisent, de les taquiner, de les
chatouiller pour voir ce qui se produit.
Les chercheurs ont
démontré que lorsque nous nous laissons aller à cette activité,
les lobes temporaux, partie de notre cerveau associée à la mémoire,
redoublent d’activité. Le cortex préfrontal lui, n’est pas en
reste et s’active aussi. C’est grâce à lui que nous trouvons
des solutions à nos problèmes.
Jean-Philippe Touzeau,
"L'art de la rêverie", révolutionpersonnelle.com
Document
3 :
« La
rêverie ne mène à rien; elle développe la sensibilité et
enveloppe de tristesse, quand elle ne fait rien de pire. La seule
rêverie qui fait du bien, c’est celle qui se rapproche de l’infini
en contemplant l’étendue de l’océan ou la profondeur des
cieux. »
Lettre de
direction à une jeune femme, Léopold Beaudenom, vers 1900.
Les
directeurs de conscience adressent fréquemment des mises en garde au
sujet de la rêverie, dans les lettres de conseil spirituel qu’ils
envoient aux femmes. Au fil du 19e siècle, ce désir de
contrôle des rêves et de «l’imagination », selon
leurs termes, ne cesse de s’accroître. Je n’ai pas trouvé de
discours équivalent dans les lettres destinées aux hommes. Le rêve
et la rêverie sont des activités jugées « féminines » :
les femmes, et particulièrement les jeunes femmes, se laisseraient
déborder par leur imagination, et l’on craint les effets néfastes
de tels débordements. Quels effets néfastes ? Cela peut nous
paraître surprenant. : aujourd’hui, on considère que le fait
de rêver (endormi ou éveillé) est normal pour un être humain ;
on valorise d’ailleurs les «grands rêves » comme les signes
d’une vie intérieure riche et stimulante.
Il
n’en est pas de même à la fin du XIXe
siècle : le rêve est un risque, rêver est un danger. Les
éducateurs (mères, clergé) ne cessent d’insister sur l’inutilité
de la rêverie, dans un monde où toute la vie n’est que « devoir ».
En réalité, ce souci de limiter les rêves des femmes, au nom du
devoir, cache des réalités plus concrètes : elles doivent se
conformer au destin traditionnel des femmes des milieux bourgeois :
la mariage et la maternité. Si le mariage forcé n’existe pas,
bien des pressions sont possibles pour faire accepter aux jeunes
femmes des conjoints correspondant aux projets patrimoniaux de leurs
parents. Dans ce contexte, le rêve porte en lui les germes d’une
révolte potentielle contre l’injonction du mariage et de la
maternité, contre le fiancé choisi par la famille. D’ailleurs,
les « mauvais livres » sont déconseillés car ils
ouvrent la porte à la rêverie. La lecture des romans est
particulièrement visée, pour des raisons dont les auteurs des
manuels de formation ne se cachent pas : si les femmes
s’identifient aux personnages et à leurs trajectoires amoureuses
romanesques, elles risquent de vouloir conformer leur vie aux
romans. Il ne s’agit pas que les femmes ressemblent à Emma
Bovary ! Surveiller l’imaginaire des femmes, c’est
surveiller les émotions amoureuses et les désirs charnels : en
réalité, on surveille les effets de l’imaginaire sur le corps.
La rêverie
des femmes doit donc être contrôlée sous peine de troubles dans
l’ordre social : parce que le rêve est une évasion
symbolique, il porte en lui le risque d’une évasion réelle. La
rêverie mènerait ainsi au refus du mariage, à l’adultère, à
des projets aventureux. Comme le montre l’extrait de la lettre de
Léopold Beaudenom, les directeurs cherchent alors à canaliser la
rêverie dans le sens du sacré. Il établit, en quelque sorte, les
« rêves autorisés » : ceux qui renvoient à Dieu.
En conséquence, « La seule rêverie qui fait du bien, c’est
celle qui se rapproche de l’infini en contemplant l’étendue de
l’océan ou la profondeur des cieux. ». Une logique précise
sous-tend ces conseils, que l’on trouve reproduits dans de
nombreuses lettres. Si l’on inscrit le rêve dans le sacré, on
exclut de la rêverie tout ce qui n’a pas sa place dans le sacré :
le corps et les émotions humaines. Le rêve devient dès lors
inoffensif !
Les
éducateurs vont encore plus loin dans cette volonté de contrôle de
l’imaginaire féminin : ils prétendent même influencer le
contenu des rêves des femmes endormies. Des prescriptions très
précises concernent le coucher et le lever : la dernière
pensée du soir doit aller à Dieu, comme la première pensée du
matin. Il est préférable de dormir face à un crucifix (quand on ne
peut pas le tenir dans ses mains !). Ces consignes sont
d’ordinaire destinées à des religieuses mais, au fil du siècle,
elles concernent progressivement les femmes mariées et les jeunes
femmes. Le sommeil, par le relâchement qu’il implique, est une
activité dangereuse. Les examens de conscience imposent d’ailleurs
le récit des rêves. Certains rêves sont ainsi condamnés à deux
titres : la morale et la religion.
Ce tableau
doit vous sembler bien pessimiste. Si l’on s’en tient aux
discours normatifs et aux prescriptions, l’emprisonnement mental
des femmes ne fait aucun doute, les éducateurs prétendant
s’immiscer jusque dans les tréfonds de la vie intérieure :
le rêve. Il faut cependant prendre garde à ne pas confondre les
discours et le réel. Les femmes continuent de s’adonner à la
rêverie en dépit du contrôle grandissant qui s’exerce sur elles.
Elles construisent des échappatoires, s’adaptent, rusent
consciemment ou inconsciemment.
Caroline
Muller, "Rêves autorisés", Histoire(s) de
direction spirituelle au XIXe,
2012.
Document
4 :
La
Soupe et les nuages
Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre
ouverte de la salle à manger je contemplais les mouvantes
architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses
constructions de l'impalpable. Et je me disais, à travers ma
contemplation: "- Toutes ces fantasmagories sont presque aussi
belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle
monstrueuse aux yeux verts."
Et
tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et
j'entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et
comme enrouée par l'eau-de-vie, la voix de ma chère petite
bien-aimée, qui disait: "- Allez-vous bientôt manger votre
soupe, s...b... de marchand de nuages?"
Charles
Baudelaire, Le Spleen de Paris,
1869.
2) Écriture personnelle :
Pensez-vous
que la rêverie soit menacée par la vie actuelle?
Un corrigé partiel de la synthèse (plan et rédaction d'une partie) se trouve ici.
Un corrigé partiel de la synthèse (plan et rédaction d'une partie) se trouve ici.
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