vendredi 30 mai 2014

Ces objets qui nous envahissent : sujet de culture générale n°3

1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :


Document 1 :


A-t-on besoin d'avoir toujours plus pour être heureux ? L'interrogation n'est pas nouvelle, certains se la posent depuis belle lurette mais la crise aidant, elle revient en force. Et inspire ici et là des actes de rébellions. Ce challenge des 100 objets en est un, comme l'explique Sophie Dubuisson-Quellier, chercheur au CNRS et à Sciences Po. «C'est une forme de militantisme. Avec un but précis : Porter un message sur la place publique. Vivre avec 100 objets, cela tient presque du slogan. Ça parle aux gens tout de suite...»

Définir les objets prioritaires amène à des questions existentielles du genre : faut-il se limiter en livres ? En sous-vêtements ? Et que faire du canapé du salon ?  Dave a décidé d'exclure tout les «biens partagés» (lit, table de la salle à manger...) pour ne décompter que les objets strictement personnels. En s'accordant quelques libertés comme pouvoir changer un objet par un autre. Ou compter les caleçons dans un même groupe, comme un seul objet. Idem pour les chaussettes.

Un peu trop facile au goût de Colin, beau gosse baroudeur, qui raconte sur son blog, photos à l'appui, comment il a réussi à tomber à 72 puis 51 objets, pour être libre comme l'air et déménager à la vitesse de l'éclair. Dans son règlement, précise-t-il, les lunettes de vue et son étui ne font qu'un, le papier toilette et la nourriture ne comptent pas.

Plus pragmatique, le blog de Rowdy Kittens propose des conseils pratiques pour décrocher en douceur: «commencer petit, en donnant par exemple dix objets par semaine à une association caritative», «fuyez les galeries marchandes» et «les pubs à la télé» pour ne pas être tenté. Autre moyen de résister : se répéter chaque fois que nécessaire que «moins d'affaires simplifie le ménage» et que «le désordre est une forme de procrastination».

Sur sa liste, la blogueuse ne compte tout de même qu'un seul objet pour ses élastiques à cheveux. Elle affirme que «le challenge des 100 choses peut paraître arbitraire mais au fond, c'est un bon exercice. Il nous oblige à faire l'inventaire de tout ce qu'on a, nos buts dans la vie. Le plus gros défi est de décider ce qui compte et ce qui ne compte pas.»

Caracolent en tête des objets indispensables : l'ordinateur portable, le wi-fi, MP3 et autres disques durs. «Ce grand écart entre un mode de vie dépouillé et un usage avancé des nouvelles technologies peut sembler paradoxal, reconnaît Sophie Dubuisson-Quellier. Mais pour eux, cela ne l'est pas du tout: les militants anti-consuméristes ont des pratiques très développées en matière d'usage des nouvelles technologies. C'est en accord avec leur objectif que de faire passer un message le plus largement possible».

Pour la sociologue Anne Chaté, aussi, «mettre dans sa liste un ordinateur est tout à fait défendable. C'est comme pour un régime minceur. Il vaut mieux des habitudes alimentaires saines qu'un régime sévère qui débouche sur des frustrations et des excès. Il vaut mieux une modération... modérée.»

Le 100 thing challenge n'est qu'un défi du genre. On en trouve à la pelle sur la toile, cheminant de blogs en blogs, de Facebook à Twitter, se revendiquant du courant de la «simplicité volontaire» bien ancré aux Etats-Unis...

Certains parviennent jusque dans les colonnes des journaux, indépendamment du nombre de personnes concernées d'ailleurs. Si le défi des 100 objets n'a pas trouvé d'écho, pour l'heure, en France, d'autres initiatives s'exportent bien : la journée mondiale sans achat («Buy not day»), ou le freegan, qui consiste à consommer le moins possible en récupérant les aliments encore consommables dans les poubelles des magasins.

«Il est important de distinguer ces formes de militantisme, pensées pour être médiatisées, des pratiques plus diffuses et éparses de ces consommateurs qui s'interrogent au coup par coup sur l'opportunité de tel ou tel achat et qui décident de modifier leurs comportements», conclut Sophie Dubuisson-Quellier.


Marie Piquemal, "Ils ont décidé de vivre avec cent objets", Libération, 16 août 2010.


 
Document 2 :


La chambre de Gandhi dans son ashram à Sevagram, Wardha.



Document 3 :


[Nana, jeune courtisane et actrice, est entretenue par le comte Muffat qui l'a installée dans un hôtel particulier richement meublé.]


Nana n’ouvrait le grand salon, du Louis XVI trop riche, que les soirs de gala, quand elle recevait le monde des Tuileries ou des personnages étrangers. D’habitude, elle descendait simplement aux heures des repas, un peu perdue les jours où elle déjeunait seule dans la salle à manger, très haute, garnie de Gobelins, avec une crédence monumentale, égayée de vieilles faïences et de merveilleuses pièces d’argenterie ancienne. Elle remontait vite, elle vivait au premier étage, dans ses trois pièces, la chambre, le cabinet et le petit salon. Deux fois déjà, elle avait refait la chambre, la première en satin mauve, la seconde en application de dentelle sur soie bleue ; et elle n’était pas satisfaite, elle trouvait ça fade, cherchant encore, sans pouvoir trouver. Il y avait pour vingt mille francs de point de Venise au lit capitonné, bas comme un sopha. Les meubles étaient de laque blanche et bleue, incrustée de filets d’argent ; partout, des peaux d’ours blancs traînaient, si nombreuses, qu’elles couvraient le tapis ; un caprice, un raffinement de Nana, qui n’avait pu se déshabituer de s’asseoir à terre pour ôter ses bas. À côté de la chambre, le petit salon offrait un pêle-mêle amusant, d’un art exquis ; contre la tenture de soie rose pâle, un rose turc fané, broché de fils d’or, se détachaient un monde d’objets de tous les pays et de tous les styles, des cabinets italiens, des coffres espagnols et portugais, des pagodes chinoises, un paravent japonais d’un fini précieux, puis des faïences, des bronzes, des soies brodées, des tapisseries au petit point ; tandis que des fauteuils larges comme des lits, et des canapés profonds comme des alcôves, mettaient là une paresse molle, une vie somnolente de sérail. La pièce gardait le ton du vieil or, fondu de vert et de rouge, sans que rien marquât trop la fille, en dehors de la volupté des sièges ; seules, deux statuettes de biscuit, une femme en chemise cherchant ses puces, et une autre absolument nue, marchant sur les mains, les jambes en l’air, suffisaient à salir le salon d’une tache de bêtise originelle. Et, par une porte presque toujours ouverte, on apercevait le cabinet de toilette, tout en marbre et en glace, avec la vasque blanche de sa baignoire, ses pots et ses cuvettes d’argent, ses garnitures de cristal et d’ivoire. Un rideau fermé y faisait un petit jour blanc, qui semblait dormir, comme chauffé d’un parfum de violette, ce parfum troublant de Nana dont l’hôtel entier, jusqu’à la cour, était pénétré.


Emile Zola, Nana, 1880.



Document 4 :


Le ressort central de la vie sociale, dit Veblen (1), est la rivalité ostentatoire qui vise à exhiber une prospérité supérieure à celle de ses pairs. La différenciation de la société en de nombreuses couches excite la rivalité générale.

La course à la distinction pousse à produire bien davantage que ce que requérerait l’atteinte des « fins utiles » :  « Le rendement va augmentant dans l’industrie, les moyens d’existence coûtent moins de travail, et pourtant les membres actifs de la société, loin de ralentir leur allure et de se laisser respirer, donnent plus d’effort que jamais afin de parvenir à une plus haute dépense visible. La tension ne se relâche en rien, alors qu’un rendement supérieur n’aurait guère eu de peine à procurer le soulagement si c’était là tout ce qu’on cherchait; l’accroissement de la production et le besoin de consommer davantage s’entre-provoquent: or ce besoin est indéfiniment extensible. » En effet, il ne s’arrête jamais : repensons à nos milliardaires. Qu’acheter, quand chacun a son avion décoré de bois précieux et de marbre? Une collection d’objets d’art. Une fusée. Un sous-marin. Et ensuite? Une villégiature sur la Lune. Autre chose, toujours, car la satiété n’existe pas dans la compétition somptuaire.

Enfin, la classe de loisir, au sommet, se coupe de la société. « Ce qui compte pour l’individu élevé dans le grand monde, explique Veblen, c’est l’estime supérieure de ses pareils, la seule qui fasse honneur. Puisque la classe riche et oisive a tant grandi, (. . .) puisqu’il existe un milieu humain suffisant pour y trouver considération, on tend désormais à mettre à la porte du système les éléments inférieurs de la population; on n’en veut même plus pour spectateurs; on ne cherche plus à les faire applaudir ni pâlir d’envie. »

La théorie de Veblen paraît si claire qu’il est à peine besoin de la commenter. Observons nos oligarques. Et regardons comment les 4×4, les voyages à New York ou à Prague, les écrans ultraplats, les caméras numériques, les téléphones télévisions, les cafetières perfectionnées… – comment l’incommensurable amoncellement d’objets qui constitue le décor de nos sociétés d’opulence se déverse en cascade, jusqu’aux rangs les plus modestes de la société, au fur à mesure que leur découverte par les hyper-riches recule dans un temps de plus en plus frénétique. Mais les filtres des possibilités de chacun, à mesure que l’on descend l’échelle de la richesse, écrèment cruellement le flot des fruits de la corne d’abondance. Ils laissent inassouvi le désir inextinguible qu’excite la dilapidation clinquante des oligarques. (...)

Qui, aujourd’hui, consomme le plus de produits matériels? Les hyper-riches? Pas seulement. Individuellement, ils gaspillent certes outrageusement, mais collectivement, ils ne pèsent pas si lourd que ça. L’oligarchie? Oui, cela commence à faire nombre. Mais cela ne suffit pas encore. Ensemble, Amérique du Nord, Europe et Japon comptent un milliard d’habitants, soit moins de 20 % de la population mondiale. Et ils consomment environ 80 % de la richesse mondiale. Il faut donc que ce milliard de personnes réduise sa consommation matérielle. Au sein du milliard, pas les pauvres, mais pas seulement non plus les vilains de la couche supérieure. Disons, 500 millions de gens, et appelons-les la classe moyenne mondiale. Il y a d’assez fortes chances que vous fassiez partie – comme moi- de ces personnes qui réduiraient utilement leur consommation matérielle, leurs dépenses d’énergie, leurs déplacements automobiles et aériens.

Mais nous limiterions notre gaspillage, nous chercherions à changer notre mode de vie, tandis que les gros, là-haut, continueraient à se goberger dans leurs 4×4 climatisés et leurs villas avec piscine? Non. La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle – donc le revenu – de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi, pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de ce sacripant excentrique de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas.

Le chemin est tracé. Mais les hyper-riches, la nomenklatura, se laisseront-ils faire?


(1) Thorstein Veblen, 1857-1929, économiste et sociologue américain, auteur de La théorie de la classe de loisir (1899).


Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, 2007. 

2) Ecriture personnelle :
Pensez-vous que les hommes peuvent modérer leur besoin d'objets ? 


4 commentaires:

  1. Bonjour,
    Où peut on trouver un corrigé de cette synthèse?

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  2. Cliquez tout en haut à droite de la page d'accueil sur "organiser une partie de synthèse" (pages), vous trouverez une partie d'un corrigé.

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  3. Bonjour, un corrigé complet est-il disponible svp?
    J'aimerais pouvoir donner un support fiable à mes élèves.

    Merci d'avance

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    1. Non, pas de corrigé complet. Juste le plan suivant :
      1) Types de comportement vis à vis des objets
      2) Raison et limites de ces comportements
      ou :
      1) Les objets répondent à un désir de l'homme.
      2) Cependant, ce désir peut être modéré ou effréné.

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