La raison humaine déteste l´incertitude. Nous ne cessons de
vouloir prédire avec certitude ce qui se produira, connaître à l´avance ce que
sera l´issue d´une de nos initiatives ou le terme d´une entreprise dans
laquelle nous sommes impliqués. Parce que nous nous sommes convaincus que, dans
le réel, « rien n´est sans
raison », selon la formule donnée par Leibniz au principe de raison. On se
demande alors comment s’explique le hasard extraordinaire. Pour répondre à
cette question, nous allons d’une part faire une description de certains faits
extraordinaires dus au hasard, qui sont évoqués dans ce corpus, d’autre part
nous expliquerons ces faits et leurs sens.
Tout d’abord, on
peut penser que le tirage de dix dés, ne donnant que des chiffres six, est plus
extraordinaire qu’un tirage donnant une quelconque suite de chiffres, alors
qu’en vérité, les probabilités de réalisation de ces deux faits, évoqués par intra-science.com dans « Les
coïncidences sont-elles dues au hasard ? », sont identiques. Ce
même site internet explique aussi le fait de tirer à pile ou face, ces cas sont
équiprobables et donc seule la situation A paraît possible, les autres
paraissent extraordinaires, comme la B où l’on ne tire que des faces les 6
premiers essais, puis que des piles durant les derniers essais. D’ailleurs,
Antoine-Augustin Cournot montre aussi cette idée faussée de l’extraordinaire,
dans Matérialisme, vitalisme, rationalisme, car selon lui, un gros gain
d’argent à un tirage de loto ou autre, ne sera remarqué que si la personne
gagnante est pauvre ou riche. Autrement dit cela ne paraitra pas extraordinaire
si cette personne faut partie de la classe moyenne. On peut rencontrer toute
sorte de coïncidence dans la vie de tous les jours, comme elles sont évoquées
par Jean Moisset dans « Mystère des coïncidences ». Ainsi il peut
nous arriver de rencontrer une connaissance en vacances, ou de nous rendre compte que l’on a un ami en
commun avec l’inconnu avec qui on discute, ou qu’une personne nous appelle
alors qu’on pensait justement à elle à ce moment. D’ailleurs René Char raconte une coïncidence semblable à
celle-ci, dans son récit Recherche de la base et du commet. Cet auteur,
alors qu’il vient de terminer le jour même le poème « Madeleine à la
veilleuse », rencontre une jeune femme nommé Madeleine. Jean
Moisset nous fait part d’autres faits extraordinaires équivalents : un mot
prononcé et entendu au même moment à la télévision, une succession de faits heureux
ou malheureux (période de chance ou série noire), ou une suite de plusieurs
accidents communs le même jour. La répétition de faits imprévus et semblables,
le fait de manger le même plat chez différentes personnes à différents endroits
sur des jours successifs, le tirage d’un même numéro au loto plusieurs fois à
la suite (sérialité dans le temps) ou le tirage de plusieurs numéros voisins
(sérialité dans l’espace). Il évoque un dernier exemple d’un fait
extraordinaire, où il pense à son médecin parisien qui l’avait soigné d’une
arthrose cervicale à l’époque où il habitait à Paris, et qu’il rencontre
ensuite à Nice, une heure après cette pensée, ce qui fait déjà une coïncidence.
De plus il le rencontre sur l’avenue Jean Médecin. Antoine-Augustin Cournot évoque
le fait d’une tuile qui tombe d’un toit, et que l’on passe à ce moment précis
ou pas, cette tuile tombera, et si alors les causes font que l’on doit passer,
alors cette tuile nous tombera dessus.
On a décrit les
faits extraordinaires dus au hasard, évoqués dans ce corpus. Nous allons maintenant voir les sens du hasard
extraordinaire. On peut d’abord remarquer une première explication de ce hasard
extraordinaire ; certaines personnes, qui ne comprennent pas le hasard, associent ces faits incroyables à la chance ou à une fatalité. Cette impression peut être
expliquée par des causes psychologiques, notre représentation altérée du hasard
détourne notre capacité à comprendre, c’est une conception erronée du hasard
selon le site intra-science.com, et cela explique le fait qu’on
pense que des probabilités ne sont pas équiprobables, car certaines paraissent
extraordinaires et d’autres non, alors qu’en vérité les probabilités sont les
mêmes. On recherche alors des causes comme le confirme Antoine-Augustin
Cournot, car l’Homme cherche des raisons à tout. Le hasard exprime une idée présente
dans le fonctionnement du monde, dans des faits observables, d’après lui. Jean
Moisset nous évoque aussi cette idée, les coïncidences observées dans ces faits
extraordinaires sont observables dans la vie quotidienne de temps en temps,
mais peuvent être aussi expliquées par des probabilités, comme l’explique
d’ailleurs le site intra-science. Cette idée du hasard dépasse l’intelligence
humaine d’après A.-A. Courront, c’est le croisement de chaînes ou de séries de
causes, que nous ignorons, comme l’évoque aussi le site intra-science.com, d’après lequel cette idée
découle des causes cérébrales. Ce premier sens du hasard extraordinaire est
donc rationnel et explicable par des causes comme le ferait un scientifique. Il
y a un second sens à ce hasard extraordinaire, car on ne croit pas toujours
qu’un fait incroyable est aléatoire selon « Les coïncidences sont-elles dû
au hasard ? ». En effet, certains pensent que certains faits sont
dus à quelque chose de plus fort que l’on ne peut expliquer, comme on peut le
remarquer dans l’œuvre de René Char, où la rencontre fortuite avec Madeleine
est selon lui assimilable à quelque chose de divin, de supérieur. On rencontre
alors des coïncidences indéfinissables dues à quelque chose de mystérieux, le
destin, aussi appelée synchronicité d’après Jung, dans le texte de Jean Moisset
intitulé « Mystère des coïncidences ». Cette synchronicité a du sens
selon lui, elle est signifiante. C’est une coïncidence dans le temps sans lien
de cause entre des faits extérieurs et l’état mental comme le montre Jean
Moisset dans son exemple de fait.
Nous avons donc
vu les différents faits évoqués dans ce corpus. Il existe donc deux sens du
hasard extraordinaire : il est ordinaire et observable car ce sont de simples
coïncidences explicables par des probabilités ou des causes ordinaires. On peut
aussi dire que ce hasard est quelque chose qui nous dépasse, que l’on ne peut
expliquer, et que l’on appelle le destin.
Corentin Gelé, Bât. 2
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire