Première
partie : Synthèse (/40 points)
Vous
rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document
1 :
Je
fais partie de ceux qui pensent qu’une partie croissante de ce que nous
produisons et achetons collectivement dans un pays comme le nôtre est soit
futile ou excessif, soit incompatible avec les limites des ressources
naturelles, soit à l’origine de pollutions graves pour la collectivité, soit
même dangereux pour la santé individuelle. Les plus aisés en tout cas, et une
fraction des classes moyennes, vivent dans un « régime » d’obésité consumériste
ou d’avidité consumériste, entretenu par des dispositifs puissants qui poussent
au toujours plus et pas au toujours mieux, pendant que les huit millions de
pauvres vivent dans le dénuement et le manque, mais aussi la frustration de ne
pouvoir accéder à un niveau de vie décent. Certains parlent de «
toxicodépendance » à la croissance matérielle. D’autres, ou les mêmes, de
« société de consolation »… mais cela ne concerne pas de la même façon les
plus pauvres et les plus aisés, bien que tout le monde soit touché par les
grands outils que le système a mis au point pour pousser à l’achat.
Ces
grands outils de la mise en dépendance sont la publicité (600 milliards de
dollars par an dans le monde), le crédit à la consommation, et l’obsolescence
programmée et accélérée des produits (enquête des Amis de la Terre et du CNIID
: la durée de vie moyenne des appareils électroménagers courants serait
aujourd’hui en moyenne de 6 à 8/9 ans alors qu’elle était de 10 à 12 ans dans
les années 1990. Par exemple une télévision à écran plat est programmée pour
durer environ 5 à 7 ans, contre 10 à 15 ans pour les télévision à tube
cathodique, ce qui est bon pour la croissance mais funeste pour tout le reste).
Ces dispositifs nous prennent pour cible pour nous convaincre que le superflu
nous est absolument nécessaire et que le dernier gadget est un gage de bonheur
renouvelé.
Sans
ces dispositifs d’enrôlement, quelle est la proportion des nouveaux produits
qui ne seraient jamais achetés ? Une enquête qui date de vingt ans auprès de
PDG de grandes entreprises aboutissait à des résultats stupéfiants de franchise
: 80 à 90 % de ces PDG déclaraient que, sans la publicité, la plupart de leurs
nouveaux produits ne trouveraient pas d’acheteur et que la publicité persuade
fréquemment les gens d’acheter des choses dont ils n’ont pas besoin.
Jean
Gadrey, " Consommer rend-il heureux ? ", Alternatives économiques.
Document
2 :
Le
principe de la société de consommation est de créer un besoin chez une personne
dans le but de l’amener à se procurer un produit dont le caractère
indispensable est généralement très discutable. Elle joue donc, par le biais
d’outils, sur les besoins fondamentaux secondaires de l’être humain :
l’appartenance, l’estime et la réalisation. L’accomplissement d’actions
intentionnelles étant une composante fondamentale du bonheur, l’individu lambda
se sent heureux lorsqu’il comble l’un des besoins que lui a suscité le monde
dans lequel il vit. Peu importe que ce besoin ait été construit de toutes
pièces, le fait qu’il soit commun à une multitude de personnes suffit à en
faire une envie incontournable. Peu importe les mentalités, les personnalités,
le rapport à l’argent. Lorsque la nouvelle télé 3D de chez Sony voit le jour,
tous les heureux possesseurs de l’immense télévision plasma HD sortie un an
auparavant veulent posséder le bijou dernier cri qui a su renvoyer leur objet
préféré dans les tréfonds de leur désintérêt. Dans un monde où nos besoins
primaires (boire, manger, être en sécurité) sont généralement remplis, chaque
nouveau produit peut procurer une injection de bonheur et de bien-être en
comblant un vide qui n’existait pas six mois plus tôt.
Cette
situation n’a pour l’instant rien de critiquable : nous créons en permanence de
nouveaux objets de convoitise capables de nous rendre heureux pendant le court
laps de temps qui nous sépare de la sortie du prochain gadget à la mode. Cela
pourrait être une manière efficace de maintenir des niveaux élevés de
satisfaction sur le long terme, à condition de conserver cette vitesse
ahurissante de renouvellement et cette fibre créative et innovante. Pourtant,
deux arguments viennent ternir ce tableau idyllique d’une société de
consommation, créatrice d’un bonheur artificiel sans cesse renouvelable :
Les
personnes les plus riches ne sont pas les plus heureuses. Elles ont pourtant la
capacité de tout acheter et devraient en conséquence pouvoir renouveler leur «
bonheur » autant que cela peut leur paraître nécessaire. C’est le paradoxe
d’Easterlin1 : le bonheur généré par une richesse plus élevée est
éphémère (au bout de deux ou trois ans, deux tiers de la satisfaction née de
l’abondance s’évanouit. L’effet est sensiblement comparable à celui que
procurent les drogues dures dont la quantité n’est jamais suffisante). On
s’aperçoit en effet que l’appropriation régulière de biens devient en elle-même
une habitude, et que seule une augmentation de notre capacité à nous procurer
des biens peut à terme booster notre véritable bonheur intérieur. Que ce
syndrome de dépassement constant soit individuel (j’en veux toujours plus pour
moi-même) ou partagé (j’en veux toujours plus pour être mieux que mon voisin),
il n’apparait pas viable à long terme (ne serait-ce qu’à l’échelle d’une vie)
pour toutes les raisons citées par les détracteurs de l’idéologie consumériste
(destruction de l’environnement, inégalités sociales, limites de l’intérêt
d’une vie basée sur la surconsommation uniquement).
Le
reste de notre monde occidental (95% des êtres humains vivant dans les pays
dits « développés ») ne peut que tenter de suivre le rythme imposé par les
plus riches en tentant de vivre au dessus des moyens financiers qui lui sont
offerts (c’est-à-dire en prenant part à certaines opérations financières
laissant planer l’impression d’une richesse fictives comme c’est le cas des
crédits à la consommation ou de l’investissement en bourse). Devant l’aspect
non durable du bonheur offert par la consommation, le comportement naturel d’un
individu lambda est de faire tout ce qui est en son pouvoir pour consommer de
nouveau et faire rejaillir les quelques minutes de joie qui l’ont animé lors de
son dernier achat. L’ensemble des moyens dégagés lors de notre vie est donc
dirigé vers l’envie de consommer.
En
soi, consommer des biens n’a rien de mal, ne rend pas idiot ni mauvais. Une
telle idéologie a peu de chances de rendre heureux sur le long terme, mais elle
ne rend pas malheureux. L’aspect critiquable de la consommation, c’est sa
capacité à masquer les véritables sources de notre bonheur durable et à
s’octroyer l’ensemble des ressources qui auraient pu nous donner accès à un
véritable épanouissement.
1. Richard Easterlin : Economiste américain.
Georges
Vignaux, " Le bonheur est-il soluble dans la consommation ? ", lesimbecilesontprislepouvoir.com.
Document
3 :
Pour la première fois, ils
gagnèrent quelque argent. Leur travail ne leur plaisait pas : aurait-il pu leur
plaire? Il ne les ennuyait pas trop non plus. Ils avaient l'impression de beaucoup
y apprendre. D'année en année, il les transforma.
Ce furent les grandes heures de
leur conquête. Ils n'avaient rien; ils découvraient les richesses du
monde.
Ils avaient longtemps été
parfaitement anonymes. Ils étaient vêtus comme des étudiants, c'est-à-dire mal.
Sylvie d'une unique jupe, de chandails laids, d'un pantalon de velours, d'un
duffle-coat, Jérôme d'une canadienne crasseuse, d'un complet de confection,
d'une cravate lamentable. Ils se plongèrent avec ravissement dans la mode
anglaise. Ils découvrirent les lainages, les chemisiers de soie, les chemises
de Doucet, les cravates en voile, les carrés de soie, le tweed, le lambswool,
le cashmere1, le vicuna2, le cuir et le jersey, le lin,
la magistrale hiérarchie des chaussures, enfin, qui mène des Churchs aux
Weston, des Weston aux Bunting, et des Bunting aux Lobb.
Leur rêve fut un voyage à
Londres. Ils auraient partagé leur temps entre la National Gallery, Saville
Row, et certain pub de Church Street dont Jérôme avait gardé le souvenir ému.
Mais ils n'étaient pas encore assez riches pour s'y habiller de pied en cap. A
Paris, avec le premier argent qu'à la sueur de leur front allègrement ils
gagnèrent, Sylvie fit l'emplette d'un corsage en soie tricotée de chez Cornuel,
d'un twin-set3 importé en lambswool, d'une jupe droite et stricte,
de chaussures en cuir tressé d'une souplesse extrême, et d'un grand carré de
soie décoré de paons et de feuillages. Jérôme, bien qu'il aimât encore, à
l'occasion, traîner en savates, mal rasé, vêtu de vieilles chemises sans col et
d'un pantalon de toile, découvrit, soignant les contrastes, les plaisirs des
longues matinées : se baigner, se raser de près, s'asperger d'eau de toilette,
enfiler, la peau encore légèrement humide, des chemises impeccablement
blanches, nouer des cravates de laine ou de soie. Il en acheta trois, chez Old
England, et aussi une veste en tweed, des chemises en solde, et des chaussures
dont il pensait n'avoir pas à rougir.
Puis, ce fut presque une des
grandes dates de leur vie, ils découvrirent le marché aux Puces. Des chemises
Arrow ou Van Heusen, admirables, à long col boutonnant, alors introuvables à
Paris, mais que les comédies américaines commençaient à populariser (du moins
parmi cette frange restreinte qui trouve son bonheur dans les comédies
américaines), s'y étalaient en pagaille, à côté de trench-coats réputés
indestructibles, de jupes, de chemisiers, de robes de soie, de vestes de peau,
de mocassins de cuir souple. Ils y allèrent chaque quinzaine, le samedi matin,
pendant un an ou plus, fouiller dans les caisses, dans les étals, dans les
amas, dans les cartons, dans les parapluies renversés, au milieu d'une cohue de
teen-agers à rouflaquettes, d'Algériens vendeurs de montres, de touristes
américains qui, sortis des yeux de verre, des huit-reflets et des chevaux de
bois du marché Vernaison, erraient, un peu effarés, dans le marché Malik,
contemplant, à côté des vieux clous, des matelas, des carcasses de machines,
des pièces détachées, l'étrange destin des surplus fatigués de leurs plus
prestigieux shirt-makers. Et ils ramenaient des vêtements de toutes sortes,
enveloppés dans du papier journal, des bibelots, des parapluies, des vieux
pots, des sacoches, des disques.
Ils changeaient, ils devenaient autres. Ce n'était pas tellement le besoin, d'ailleurs réel, de se différencier de ceux qu'ils avaient à charge d'interviewer, de les impressionner sans les éblouir. Ni non plus parce qu'ils rencontraient beaucoup de gens, parce qu'ils sortaient, pour toujours, leur semblait-il, des milieux qui avaient été les leurs. Mais l'argent - une telle remarque est forcément banale - suscitait des besoins nouveaux. Ils auraient été surpris de constater, s'ils y avaient un instant réfléchi - mais, ces années-là, ils ne réfléchirent point - à quel point s'était transformée la vision qu'ils avaient de leur propre corps, et, au-delà, de tout ce qui les concernait, de tout ce qui leur importait, de tout ce qui était en train de devenir leur monde.
Ils changeaient, ils devenaient autres. Ce n'était pas tellement le besoin, d'ailleurs réel, de se différencier de ceux qu'ils avaient à charge d'interviewer, de les impressionner sans les éblouir. Ni non plus parce qu'ils rencontraient beaucoup de gens, parce qu'ils sortaient, pour toujours, leur semblait-il, des milieux qui avaient été les leurs. Mais l'argent - une telle remarque est forcément banale - suscitait des besoins nouveaux. Ils auraient été surpris de constater, s'ils y avaient un instant réfléchi - mais, ces années-là, ils ne réfléchirent point - à quel point s'était transformée la vision qu'ils avaient de leur propre corps, et, au-delà, de tout ce qui les concernait, de tout ce qui leur importait, de tout ce qui était en train de devenir leur monde.
Georges Perec, Les Choses, 1965.
1. Cashmere : Étoffe très fine, légère, obtenue par le tissage du
duvet recouvrant la poitrine des chèvres du Cachemire ou du Tibet.
2.
Vicuna : Vigogne : Laine d'un animal d'Amérique du Sud utilisée pour fabriquer
des vêtements de luxe.
3.
Twin-set : Ensemble féminin en tricot constitué d'un
pull-over et d'une veste assortis.
Document
4 :
Photo
tirée d'une vidéo publiée sur You Tube et intitulée " Panique à Virgin :
premier jour des soldes ".
Deuxième
partie : Écriture personnelle (/20 points)
Pensez-vous que les objets prennent une place excessive dans notre société de consommation ?
Trois propositions de plan pour la synthèse (question problématique et sujets des deux parties) :
A)
Quel est notre rapport aux objets
de consommation ?
1) Les objets exercent sur nous
une séduction qui dépasse leur utilité.
2) Plusieurs conditions stimulent
notre désir d'objets.
B)
Est-il bon de consommer comme
nous le faisons ?
1) Dans notre société, l'homme a
un grand désir de consommer des objets.
2) Mais cette consommation ne
procure qu'un bonheur éphémère et dommageable.
C)
Le bonheur est-il dans la
consommation d'objets ?
1) La consommation rend heureux.
2) Mais ce bonheur est éphémère
et coûteux.
Plan de l'écriture (deux parties) :
1) Les objets servent à la
satisfaction de nos besoins.
2) Cependant notre dépendance
pose de sérieux problèmes.
Il y a un corrigé ?
RépondreSupprimerJ'ai ajouté des propositions de plan pour la synthèse et l'écriture.
RépondreSupprimer